Anaïs, 59 ans, mère d'un fils alcoolique : "Je pensais n'avoir aucun pouvoir, aucune possibilité, aucune échappatoire"

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Romain David , modifié à
Anaïs n'a découvert que tardivement les problèmes d'alcool de son fils. Elle raconte à Olivier Delacroix, sur Europe 1, les difficultés qu'elle a eues pour appréhender ce mal dont il souffre encore.
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Anaïs Dariot est l'auteur de Nathanël, un livre ou elle revient sur son combat pour sauver un fils tombé adolescent dans l'alcoolisme. De dispute en dispute, elle évoque au micro d'Olivier Delacroix un parcours semé d'embûches pour aider son enfant, pas encore totalement sevré, à "renouer avec la vie".

"Je ne sais pas exactement quand mon fils a commencé à boire. Je l'ai appris tard. […] Il a commencé à boire à l'adolescence, donc très tôt, il devait avoir 14 ans.

[…]

Je pense que ça a commencé à devenir dur lorsqu'il n'a plus réussi à le cacher. Le jour où la personne ne peut plus cacher ses problèmes avec l'alcool, c'est qu'elle ne contrôle plus rien, que c'est déjà profondément installé et que c'est difficile à soigner. Il avait 22 ans. Il y a eu deux ans de conflits, deux années absolument difficiles pendant lesquelles je ne comprenais pas. Je n'avais pas la bonne attitude. On s'affrontait tous les deux.

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Il a fallu du temps à Anaïs pour considérer l'alcoolisme de son fils comme une vraie maladie

Un jour, j'ai appelé les Alcooliques anonymes. Ils m'ont expliqué que c'était une maladie, que ça ne servait à rien d'aller à l'affrontement. À partir de ce jour-là, tout le panorama de nos relations a changé. Pour moi, ça a été un grand soulagement, parce que je n'avais plus mon rôle de mère. Ce n'était plus possible, il y avait des crises à répétition, sans solution. Quand ils m'ont dit ça, je me suis retrouvée à pouvoir agir là où je pensais n'avoir aucun pouvoir, aucune possibilité, aucune échappatoire.

J'ai dit à mon fils : 'C'est une maladie, je suis d'accord. Je serai à tes cotés à chaque fois que tu seras dans une démarche thérapeutique.' Ensuite, on a enclenché un système d'hospitalisation. Il me demandait de le faire hospitaliser car, par moment, il avait peur pour lui-même. C'était quelque chose de très fort.

Il y a eu des entretiens avec des psychologues et des alcoologues. À chaque fois qu'il y avait des points de réflexion, ma culpabilité était énorme, absolument énorme.

Peu à peu, le traitement lui a permis de retrouver son fils

Cela fait sept ans maintenant qu'il est sorti d'un risque de mort certaine et qu'il vit grâce à un médicament. Mais il n'est pas complètement sorti de l'alcool, il lui arrive de boire. La particularité de ce médicament, le baclofène, est que les gens qui ont des problèmes d'alcool ne sont pas obligés d'être abstinent. […] Pour moi, ce n'est pas l'idéal. Je suis toujours inquiète, mais ça n'a plus rien à voir avec la situation vécue pendant une dizaine d'années, à savoir qu'il était à l'article de la mort. Il était désocialisé et ne travaillait plus. […] Il n'y a pas de comparaison (avec ce qu'il vit aujourd'hui) : il a un travail fixe dans lequel il évolue, il fait du sport, il revoit ses amis. Il a complètement renoué avec la vie."

>> Retrouvez l'intégralité du témoignage d'Anaïs Dariot

L'avis du spécialiste

Quel rapport les jeunes ont-ils à l'alcool ? Le mode de consommation d'alcool des jeunes est sensiblement différent de celui des adultes, avec un phénomène devenu récurrent ces dernières années, celui de la "biture express", relève auprès d'Europe 1 Olivier Phan, pédopsychiatre au centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie Pierre Nicole à Paris. "Chez les jeunes, on consomme plus régulièrement au bar, et de façon massive dans les soirées. C’est ce que l'on appelle le 'binge drinking', c'est-à-dire au moins six unités de verre en moins de deux heures."

Les jeunes ont également tendance à privilégier les alcools forts. "On prend en général de la vodka Red Bull ou de la vodka avec du sucre pour faire passer le goût de l'alcool. L'idée est de rester ivre, et d'atteindre cet état d'ivresse en un minimum de temps", poursuit le spécialiste.

Quelles conséquences sur le métabolisme ? "Il y a un palier à ne pas franchir, c'est celui du 'black-out', lorsque l'on ne se souvient plus de rien. Alors il y a une souffrance cérébrale, c'est-à-dire un dégât au niveau du cerveau", pointe Olivier Phan. Et d'autant plus que le cerveau des adolescents est encore en plein développement, donc particulièrement fragile.

"Ce qui se développe à cet âge, ce sont les connexions entre les neurones. [...]. L'alcool en grande quantité va altérer ces connexions, notamment la gaine de myéline, c’est-à-dire la substance qui entoure les connexions et assure une meilleure conduction entre les neurones", explique le pédopsychiatre. "C'est donc au niveau de la connexité neuronale que l'alcool consommé de manière excessive va être dangereux chez l'adolescent."