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J.R. , modifié à
Le professeur de criminologie Alain Bauer a critiqué les lacunes des services de renseignement français.
INTERVIEW

François Hollande a évoqué lundi, en marge de la cérémonie d’hommage aux victimes des attentats, la nécessité de réformer la lutte contre le terrorisme. Le président de la République est cependant resté flou sur les moyens amenés à être mis en œuvre. Pour Alain Bauer, cette annonce va dans le bon sens, mais ne résoudra pas les lacunes des services de renseignement français pour lutter contre le terrorisme. "Il n’y a pas d’antiterrorisme en France. Nous n’avons que du contre-espionnage", a critiqué le professeur de criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers, New York et Beijing, lundi soir au Club de la presse d’Europe 1.

Une culture française trop axée sur le contre-espionnage. Selon le professeur de criminologie, la culture des services de renseignement français est encore trop concentrée sur le contre-espionnage. "Le contre-espionnage est un temps long : vous remontez la filière chaque jour, puis au bout d’un ou deux ans, vous faites tomber tout le réseau. Le mécanisme est le même pour le trafic de stupéfiants : arrêter le dealer en bas de chez vous n’est pas intéressant, on cherche à trouver le gros trafiquant. Mais le dealer en bas de chez vous continue à vendre", a expliqué Alain Bauer.

"L’antiterrorisme, c’est exactement l’inverse. Le temps est court : ce n’est pas quand on arrête l’auteur d’un attentat, mais quand il n’y a pas d’attentat. Il faut partager ses informations et parler avec tout le monde. Or, ça ne peut pas marcher : on ne peut pas expliquer le matin que les Chinois ou les Russes vous espionnent tout le temps, et l’après-midi qu’ils sont nos alliés car ils ont les mêmes ennemis que nous", a poursuivi le professeur.

"On ne doit pas faire plus, mais faire mieux." "Nous ne sommes pas arrivés à avoir cette culture d’antiterrorisme. Il faut plus d’analystes, oui. La DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure, les services secrets français, ndlr) sait le faire, avec ses experts, ses ingénieurs et des contractuels de haut niveau. Le renseignement intérieur, lui, ne sait pas. La DST (aujourd'hui DGSI, Direction générale de la sécurité intérieure, ndlr) tente de basculer vers l’antiterrorisme, mais le changement est très lent. On ne doit pas faire plus, mais faire mieux", a conclu Alain Bauer.