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Anaïs Huet , modifié à
Harcelé pour sa précocité intellectuelle, le fils de Maya a développé au fil des années une phobie sociale, qui l'empêche aujourd'hui de se rendre dans les magasins ou de dialoguer en face à face avec un inconnu. Sa mère en a parlé à Olivier Delacroix lundi.
VOS EXPÉRIENCES DE VIE

La scolarité du fils de Maya a été profondément marquée par sa précocité et ses conséquences. Ses relations avec ses camarades et ses professeurs ont été compliquées, parfois violentes. De ces années difficiles est née une phobie sociale, qui l'empêche aujourd'hui d'accomplir des actions simples au quotidien. Maya a raconté à Olivier Delacroix l'histoire de son fils, lundi sur Europe 1.

"Mon fils est considéré comme surdoué depuis l'âge de 5 ans et demi, après un test de QI. Étant un enfant précoce, il s'est toujours senti radicalement différent des autres, en décalage. Dès l'école primaire, il a été rejeté. Il était dans une classe qui comptait plusieurs niveaux, et en CE2, il répondait déjà aux questions posées aux élèves de CM2. Il était donc regardé de travers. Mais à l'époque, au collège et au lycée, il avait encore des copains.

Au départ, il se sentait intégré, il recevait des amis à la maison. Mais par la suite, la différence s'est accentuée au moment de l'entrée au collège. Il avait sauté le CM1, il est donc arrivé au collège trois jours avant ses 10 ans. Forcément, il y a des jalousies, des personnes qui l'ont pris comme tête de Turc. Il s'est même fait molester dans le car, dans la cour de récréation. Ça a duré pendant deux ans, jusqu'à ce que je dise 'stop' et que je le change d'école en 4ème. On en était à deux dépôts de plainte, ce n'était plus possible. Son frère m'avait dit qu'il prévoyait de revenir au collège avec un couteau parce que personne ne le défendait.

Entendu sur europe1 :
Il était plus cultivé que son prof d'histoire

Quand il a eu 16 ans, il a été complètement déscolarisé. C'était son choix. Il se sentait de plus en plus en décalage, car il se retrouvait dans une filière de secours, définie par un logiciel d'ordinateur : un Bac pro vente. Ça ne l'intéressait pas du tout. Il se sentait toujours intellectuellement en décalage par rapport aux élèves de sa classe, et il estimait être aussi en décalage avec ses profs, puisque certains faisaient des fautes d'orthographe. Il était aussi plus cultivé que son prof d'histoire.

>> De 15h à 16h, partagez vos expériences de vie avec Olivier Delacroix sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission ici

Il va aussi être agressif envers nous, sa famille. Il est dans un mal-être, c'est certain. Il se sent aussi en décalage vis-à-vis de nous. Mon fils m'a tenu responsable de sa phobie sociale, parce qu'il estime que je l'ai surprotégé. En fait, je l'ai surprotégé parce qu'il était en décalage et qu'il se faisait frapper par les autres.

Entendu sur europe1 :
À 24 ans, il est incapable d'aller faire des courses dans un magasin

Aujourd'hui, il a développé une phobie sociale, il ne peut pas parler aux gens. À 24 ans, il est incapable d'aller faire des courses dans un magasin. Il ne peut pas aller à la pharmacie pour acheter ses médicaments. Il ne peut pas prendre les transports en commun… Il est plus à l'aise dans un endroit où il va être dans l'anonymat le plus total. Comme il a énormément de problèmes de sommeil, c'est un garçon qui va surtout vivre la nuit, sur Internet. Là, il a des relations sociales mais il ne voit pas les gens, il ne met jamais la caméra en route. Il n'intervient auprès des gens que par la voix, et là, il est totalement à l'aise. Il y a quelques années, il a même fait un stage dans une petite radio où il tenait une chronique d'humour noir. Il était très à l'aise. Mais actuellement, ses relations sociales se résument aux relations sur Internet, et à un cours ou deux de musique par semaine, dans l'école de musique qui est à 100 mètres de la maison."

L'avis du psy

Frédéric Fanget, psychiatre, psychothérapeute et auteur de l'ouvrage Affirmez-vous pour mieux vivre avec les autres

"Il y a d'un côté des personnalités introverties, et ce n'est pas un problème. Il faut respecter ces personnes et ces tempéraments. Il y a un autre aspect qui s'appelle l'anxiété sociale. Là, les gens sont dans l'isolement non pas par choix, mais ils le subissent à cause d'une angoisse trop forte à aller vers les autres. Là, c'est une vraie pathologie. La phobie sociale concerne quand même 3% de la population (1,8 million de personnes en France).

Il y a une caractéristique, c'est que le fils de Maya est à haut potentiel, ce qui n'est pas le cas de tous les phobiques sociaux. Pour eux, Internet a été une révolution. C'est génial, parce qu'ils peuvent avoir des relations avec des tas de gens sans être gênés par le regard de l'autre. Si vous contraignez quelqu'un comme ça à la relation sociale obligatoire, ça va le mettre dans un état d'angoisse et de panique majeur. Donc il faut y aller très doucement, pas à pas, dans le cadre d'une thérapie. Ça peut prendre plusieurs années. Mais en même temps, il faut respecter la personnalité.

Ce qu'il faut faire aussi, c'est traiter les traumatismes. Comme d'autres, le fils de Maya a été heurté. Il faut revenir sur les traumatismes pour purger l'émotion."