Une mission sur les suicides d’enfants

Le psychiatre Boris Cyrulnik, théoricien de la résilience.
Le psychiatre Boris Cyrulnik, théoricien de la résilience. © MAXPPP
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Samira Hamiche , modifié à
Le psychiatre Boris Cyrulnik a été chargé d’une mission d’information sur ce phénomène.

Quelques jours après le décès par défenestration d’une fillette diabétique de 9 ans à Lyon, le gouvernement a décidé de lancer une mission d’information sur le suicide chez les enfants. La secrétaire d’Etat chargée de la Jeunesse et de la vie associative, Jeannette Bougrab, l’a annoncé jeudi. La mission sera confiée au psychiatre Boris Cyrulnik.

Ce thérapeute est connu pour ses théories sur la résilience, à savoir le processus qui mène les individus affectés par un traumatisme à s’en sortir psychologiquement.

Il s’agira pour lui d’établir les mécanismes qui peuvent pousser un enfant à se donner la mort, et surtout, d’apporter des pistes pour éviter ces drames.

Une conscience progressive de la mort

Au micro d’Europe 1, Boris Cyrulnik rappelle que le suicide est "plutôt rare" chez les enfants, alors que chez les adolescents, on enregistre chaque année en France plus de 1.000 suicides.

Cette rareté découle d’abord du fait que "le sentiment de la mort n’est pas le même chez les enfants." De l'enfance à l'âge adulte, i existe, analyse le thérapeute, "un développement" du mot "mort".

Ainsi, un petit enfant rit quand on lui dit "pan, t’es mort", car il n’est pas encore conscient de l’irréversibilité de la mort. Ce n’est que vers 6-7ans que l’enfant comprend, "par bouffées", qu’il s’agit d’un phénomène "absolu et définitif". L’adolescent, lui, assimile le suicide à une volonté de "ne plus vivre une vie de souffrance".

Des facteurs multiples

Plusieurs facteurs sont susceptibles de nourrir des idées de suicide chez l’enfant. Ainsi, développe Boris Cyrulnik, des études québécoises ont montré que des troubles intervenus lors du développement in utero, tels par exemple un choc de la mère, ou son hospitalisation, "inscrivent dans le cerveau une marque de vulnérabilité". Les idées suicidaires interviennent ensuite beaucoup plus tard.

Dans les familles où les histoires de suicides sont omniprésentes, l’enfant peut aussi être sujet à des "impulsions", des envies sporadiques de suicide, qui font écho aux angoisses de ses parents.

Mais, poursuit le psychiatre, "le problème est essentiellement psychosocial". Quand un enfant n’est pas "sécurisé", du fait d’un environnement instable, il peut nourrir des pulsions suicidaires.

Aussi, d’après Boris Cyrulnik, "il y a des cultures qui provoquent plus de suicides", du fait du manque de communication qu’elles intériorisent.

La prévention

Il s’agit avant tout, selon Boris Cyrulnik, d’estomper la "vulnérabilité" du sujet suicidaire, en l’ouvrant à d’autres modèles parentaux et sociaux que ceux qu’il juge toxiques. "Il faut ouvrir de multiples attachements, pour que les enfants aiment quelqu’un d’autre que leur famille", propose-t-il.

"Le suicide impulsif peut se contrôler, mais il faut être là au moment de la bouffée d’angoisse", d’où l’intérêt de consulter un psychologue ou un psychiatre, mais aussi d’apprendre à discuter avec son enfant.