Quel suivi pour les mineurs délinquants ?

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avec Walid Berrissoul , modifié à
ENQUETE - Dans l'affaire Agnès, le suspect était suivi. Des psys expliquent leur travail.

Le viol et le meurtre d'Agnès, 13 ans, avoué par un jeune homme déjà poursuivi pour viol, a relancé la polémique sur la détection et le suivi des mineurs délinquants sexuels. Aux yeux du ministre de l'Intérieur Claude Guéant, il y a eu "dysfonctionnement" du dispositif de suivi.

Ce travail de vigie est confié par la justice aux experts psychiatriques. Europe 1 est parti à la rencontre de ces derniers pour observer leurs méthodes de travail. Comment travaillent ces derniers pour repérer les cas les plus dangereux ? Comment améliorer leur travail ?

Une très courte évaluation pour commencer

La détection des jeunes à risque commence par un formulaire envoyé par le juge à un expert. Ce dernier doit toujours répondre à six questions incontournables, parmi lesquelles : le suspect est-il atteint de maladie mentale ? Le sujet est-il curable ou incurable ? Est-il réinsérable ?

Pour répondre à ces questions, l’expert a une marge de manoeuvre très étroite : un entretien avec le suspect d’à peine une heure qui demande donc la plus grande vigilance, mais dépend aussi de la coopération du mineur délinquant.

Des jeunes tantôt coopératifs, tantôt "manipulateurs"

"Je commence d’abord par essayer de créer un climat relationnel favorable. Je me présente, je dis clairement le but de cet entretien, le fait qu’il n’y a pas de piège", détaille Michel Gayda, expert auprès des tribunaux depuis 25 ans.

Une mise en condition qui ne porte pas toujours ses fruits, comme l’admet ce psychiatre. "Certains de ces mineurs-là sont parfois assez durs dans leurs réactions. Cela m’est arrivé de tomber sur des jeunes qui sont tout à fait manipulateurs dans leur discours et qui mentent au cours de l’entretien de manière tout à fait ostensible", témoigne Michel Gayda, avant de conclure : "la volonté de collaboration ou la non-collaboration du sujet diminue la masse d’informations qu’on peut recueillir".

Le dossier du suspect n’était pas accablant

Pour compléter son diagnoc, l’expert psychiatre dispose également d’un accès au dossier judicaire du suspect. Antécédents, environnement familial, bulletins scolaires : c’est après l’étude de tous ces éléments que l’expert rend sa décision.

Problème : ce premier entretien et l’accès au dossier n’empêche pas certains mineurs de passer à travers les mailles du filet. Dans le cas du lycéen suspecté du viol et du meurtre d’Agnès, tous les voyants semblaient par exemple au vert.

Impossible de prédire une récidive

Les politiques demandent donc des méthodes de détection affinées pour de meilleurs résultats. Mais deux psychiatres reconnus, ayant chacun traité plus de mille dossiers de mineurs accusés de viol, l’affirment sur Europe 1 : malgré leur expérience, il est impossible de prédire une récidive.

"Même si on se met en groupe, en équipe de psychiatres extrêmement rodés, expérimentés, on ne va donner qu’une réponse statistique et approximative mais pas du tout une réponse définitive où on va dire ‘il est très dangereux, il va récidiver’", décrypte Arnaud Marterelle, expert auprès de la cour d’appel de Paris.

"Notre parole ne peut être figée"

"C’est très important que nous soyons très circonspects, très prudents", poursuit Arnaud Marterelle, avant de détailler : "notre parole ne peut être figée comme si c’était une sentence de tribunal. C’est-à-dire : ‘c’est un criminel, il va rester définitivement criminel’. Cela, je crois que nous n’avons pas le droit de le dire, même quand nous avons beaucoup de données".

La détection des mineurs violeurs est donc complexe. Mais plusieurs pistes pour l’améliorer se dégagent : enrichir  l’évaluation en la confiant aussi à d’autres spécialistes que les psychiatres, ou encore s’inspirer de méthodes utilisées à l’étranger. En Belgique ou au Canada, chaque rapport se termine par un indicateur : le pourcentage de risque de récidive.