Quand Renault "anticipait" des suicides

© MaxPPP
  • Copié
avec agences , modifié à
La direction avait préparé sa communication de crise au moment de l'affaire de faux espionnage.

"Toute l'entreprise est profondément ébranlée par ce drame et pense particulièrement à la famille de M. XXX". Renault est sous le choc. Pourtant, personne n'a commis le suicide dont il est question dans le communiqué. La direction avait en fait anticipé l'éventualité d'un acte désespéré des trois cadres mis en cause dans une fausse affaire d'espionnage en 2011, révèlent vendredi France Info et Le Parisien.

Une réunion "éléments de langage"

Les documents ont été saisis lors d'une perquisition au siège de Renault et versés au dossier d'instruction du juge Robert. Il s'agit d'e-mails retrouvés dans la messagerie de Frédérique Le Grèves, alors directrice de la communication du constructeur automobile. Un premier message a été rédigé dans la soirée du 10 janvier 2011, à la veille de la convocation des trois cadres à leur entretien préalable au licenciement.

Une réunion de crise vient alors d'avoir lieu et Frédérique Le Grèves transmet aux attachés de presse du groupe les "éléments de langage" à tenir. La "dircom" leur demande ainsi de préparer une déclaration, au cas où l'un des cadres viendrait à se suicider. "Ça serait sur le thème, nous sommes abasourdis et nous avions pris les dispositions médico-psychologiques pour les trois individus", écrit-elle.

Deux options envisagées

Le lendemain, une collaboratrice envoie à Frédérique Le Grèves deux communiqués, pour deux scénarios différents : "Option 1 : L'un des 3 cadres mis à pied le 3 janvier 2011 a tenté de mettre fin à ses jours (date). Option 2 : L'un des 3 cadres mis à pied le 3 janvier 2011 a mis fin à ses jours le (date)", écrit-elle.

Utilisant les formules d'usage pour de tels drames - "toute l'entreprise est profondément ébranlée par la gravité de ce geste" -, les deux communiqués sont similaires, à l'exception d'une phrase rajoutée dans l'option 2 selon laquelle l'entreprise "pense particulièrement à la famille de M. XXX".

"C'était de l'anticipation pure"

Frédérique Le Grèves reconnaît aujourd'hui dans les colonnes du Parisien avoir demandé à ses services de préparer ces projets de communiqués. "C'était de l'anticipation pure, des éléments de langage pour être prêt à répondre aux journalistes", affirme-t-elle. "On est une entreprise du CAC 40, on travaille sur toutes les possibilités, y compris les pires scénarios", justifie de son côté le responsable de la communication extérieure, sur France Info.

Dans cette affaire de faux espionnage chez le constructeur automobile, deux anciens cadres du service de sécurité de Renault sont mis en examen. Ils sont soupçonnés d'avoir contribué à une escroquerie au renseignement en faisant accuser à tort d'espionnage industriel trois cadres de Renault, qui avaient été licenciés avant d'être innocentés.