Pourquoi la gestion de l'armée inquiète

L'armée est contrainte à des économies drastiques dans le cadre d'une loi de programmation militaire sur la période 2009-2014, sur laquelle la Cour des comptes a rendu mercredi un bilan à mi-parcours.
L'armée est contrainte à des économies drastiques dans le cadre d'une loi de programmation militaire sur la période 2009-2014, sur laquelle la Cour des comptes a rendu mercredi un bilan à mi-parcours. © REUTERS
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avec agences , modifié à
La Cour des comptes estime que les objectifs financiers et militaires ne seront pas tenus.

L'état de l'armée française inquiète la Cour des comptes, qui craint de la voir subir des difficultés à accomplir certaines de ses missions. Soumise à des économies drastiques dans le cadre d'une loi de programmation militaire (LPM) sur la période 2009-2014, son fonctionnement aurait baissé en qualité. Et le tour de vice budgétaire pourrait encore se serrer, car les objectifs de cette loi ne sont pas tenus, selon le bilan à mi-parcours de cette LPM présenté mercredi par la Cour des comptes.

Que prévoit la LPM ? Il s'agit de se servir de l'armée comme variable d'ajustement pour faire des économies et réduire les déficits publics. Comment ? La LPM programme la suppression de 54.000 emplois, soit 17% des effectifs de la défense, dans la période 2008-2015. Pour la masse salariale, "une économie nette cumulée de 1,1 milliard d'euros" était ainsi attendue entre 2008 et 2011.

L'armée française patrouille toujours à Abidjan. 930x620

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La commission de la Défense du Sénat évalue dans un rapport à 6,6 milliards d'euros les économies globales attendues de la réforme sur la période 2008-2014.

Pourquoi cela n'est pas suffisant financièrement ? La masse salariale du ministère de la Défense a continué d'augmenter depuis 2009, malgré les importantes réductions d'effectifs.

"Il apparaît que si le ministère tient jusqu'à présent les objectifs en termes de réduction des effectifs, avec plus de 29.000 emplois supprimés" fin 2011, "la masse salariale continue sa progression, avec une augmentation de 1 milliard d'euros entre 2008 et 2011", note la Cour.

La Cour épingle notamment "l'augmentation continue de l'encadrement supérieur" des armées, en particulier du nombre d'officiers supérieurs, qui n'est pas en cohérence avec la diminution des effectifs.

Un officier de l'armée française en Afghanistan

Résultat : les trois premières années d'application de la LPM ont permis de "presque respecter la trajectoire financière" fixée, mais un écart négatif de dépenses de 1,9 milliard d'euros a été constaté fin 2011. "Cet écart pourrait atteindre 4,1 milliards d'euros fin 2013, en raison d'hypothèses budgétaires trop optimistes reposant sur des recettes en partie incertaines ainsi que d'une insuffisante maîtrise de la masse salariale", mettent en garde les magistrats de la juridiction financière.

Pourquoi les objectifs militaires ne seront pas tenus ? Tout en évoquant d'"incontestables succès" obtenus par les armées lors des dernières opérations extérieures, le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a souligné en présentant le rapport que les objectifs opérationnels fixés par la LPM "ne pourront pas être entièrement remplis".

La loi oblige notamment à l'armée de terre d'être en mesure de déployer une force de 30.000 hommes à une distance de 7.000 à 8.000 km de la métropole pour une durée d'un an. Par ailleurs, l'armée de l'air doit pouvoir projeter 70 avions de combat. Mais selon la Cour, l'armée n'a pas les moyens. Elle serait même incapable de déployer ne serait-ce qu'un groupe aéronaval en permanence.

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La juridiction financière pointe également les retards de livraison d'équipements, notamment en ce qui concerne les capacités de ravitaillement en vol et de transport de l'armée de l'air, et la disponibilité insuffisante de matériels. Enfin, les moyens spatiaux sont jugés insuffisants pour le renseignement.

Que recommandent les magistrats ? Dans un contexte de graves difficultés financières, les magistrats recommandent un renforcement de la maîtrise des coûts, qui "peut entraîner au moins 1 milliard d'euros d'économies" pour atteindre les objectifs de la LPM. La Cour des comptes préconise une série d'économies supplémentaires (rationalisation des achats, économie sur la politique immobilière...), tout en concentrant "les moyens budgétaires sur les capacités opérationnelles" des armées.

Qu'en dit le gouvernement ? "S'agissant du ministère de la Défense j'aimerais simplement vous dire qu'il sera amené comme les autres administrations à procéder aux ajustements qui s'imposent compte tenu des priorités que nous avons évoquées en terme d'emplois", a déclaré mercredi Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, à l'issue du conseil des ministres.

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Le "Livre blanc" fixant les objectifs de défense et de sécurité nationale est en cours de révision. Il débouchera sur une nouvelle loi de programmation militaire qui pourrait se traduire par des demandes d'économies supplémentaires.

Qu'en pense l'armée ? Bertrand Ract-Madoux, chef d'état-major de l'armée de terre, partage l'avis de la Cour des comptes et estime lui aussi que de nouvelles économies seront difficiles à réaliser sur les capacités opérationnelles. "Les économies sont très difficiles et très douloureuses pour une armée comme l'armée de terre dès que vous touchez au fonctionnement, aux activités", a-t-il déclaré mercredi lors d'une rencontre avec des journalistes. "Je vous garantis que nous sommes arrivés à un plancher en termes de fonctionnement, en termes d'activité", a-t-il ajouté.