Les barbouzes de Canal + jugées

Bruno Gaccio fait partie de la dizaine d'employés de Canal Plus victime d'espionnage.
Bruno Gaccio fait partie de la dizaine d'employés de Canal Plus victime d'espionnage. © MAXPPP
  • Copié
et Pierre de Cossette , modifié à
Des employés, dont Bruno Gaccio, avaient été espionnés par des membres de la sécurité.

L’homme par qui le scandale est arrivé s’appelle Pierre Martinet. Il sort à peine de la DGSE, les services d’espionnage, lorsqu’il est embauché par Canal + en 2001. Pour, croit-il, lutter contre les pirates, ceux qui cherchent à percer les secrets du célèbre décodeur. Mais il sera en fait chargé d’espionner divers employés de la chaîne cryptée. C’est lui-même qui a donné le coup d’envoi de cette affaire en racontant ses agissements dans un livre sorti en 2005. Ce qui ne l’empêche pas de figurer parmi les cinq prévenus, jugés mardi devant le tribunal correctionnel de Paris. La chaîne est aussi sur le banc des prévenus, pour "complicité d'atteinte à la vie privée".

Des photos de la famille Gaccio en vacances

Dans son livre, intitulé Un agent sort de l’ombre, Pierre Martinet charge ses deux anciens chefs, Gilles Kaehlin, l'ancien responsable de la sécurité de Canal+, et de son adjoint, Gilbert Borelli. Dans un contexte particulièrement tendu au sein de la chaîne cryptée, après l’éviction de Pierre Lescure, remplacé par Xavier Couture, les deux hommes auraient mis en place la surveillance de plusieurs employés, dont Bruno Gaccio, l’un des leaders de la fronde, et accessoirement auteur, à l’époque, des célébrissimes Guignols de l’info.

"Au fil des jours, j’ai compris que je n’étais pas à ma place, que je n’étais pas où il fallait. C’est très insidieux, parce qu’on me demandait d’aller voir ce qui se passe à telle adresse, et petit à petit on me demandait plus", raconte l’ancien agent à Europe 1.  Pierre Martinet a alors suivi l’auteur des Guignols et est allé jusqu’à prendre des photos de la famille Gaccio dans sa maison de vacances en Provence. On lui fournit ses factures détaillées de téléphone et il monte un même un dossier pour préparer une intimidation musclée.

"On m'a demandé de le secouer" :

"Ce n’est pas un islamiste radical"

Le but était évidemment de pousser Bruno Gaccio à la faute. "Effectivement, ils auraient bien aimé que M. Gaccio ne fasse plus partie de la chaîne à la rentrée de septembre 2002", confirme Pierre Martinet. "On m’a demandé si je peux faire quelque chose pour qu’il ne soit pas là à la rentrée, de secouer ce monsieur. Effectivement, là, j’ai dit stop. C’est Bruno Gaccio, ce n’est pas un islamiste radical. Il avait juste un restaurant, il faisait rire tout le monde à cette époque avec les Guignols. C’était du n’importe quoi", juge-t-il aujourd’hui, près de dix ans après les faits.

L’enquête judiciaire a également mis en cause des policiers de la brigade des stupéfiants. Car il a été envisagé de placer de la cocaïne dans le scooter de Bruno Gaccio pour le piéger. En outre, l’ex-auteur des Guignols n’est pas le seul employé à avoir subi ces méthodes plus que douteuses. Selon les enquêteurs, une dizaine de salariés de Canal+, dont Michel Rocher, ancien directeur technique de Studio Canal, le studio cinéma de Canal+, auraient ainsi fait l'objet de surveillances. En revanche, les investigations n’ont pas permis de savoir qui a commandité ces surveillances. La réponse tombera peut-être au cours des quatre audiences prévues.