La fin de la garde à vue à la française

L'un des objectifs de la réforme de la garde à vue est de faire tomber leur nombre annuel de 800.000 à 500.000.
L'un des objectifs de la réforme de la garde à vue est de faire tomber leur nombre annuel de 800.000 à 500.000. © MAXPPP
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avec Guillaume Biet et AFP , modifié à
Les députés ont adopté mardi une réforme dont le principal point concerne la présence de l’avocat.

La controverse ouverte en 2009 sur l'explosion du nombre des gardes à vue et le rôle de l'avocat auprès des mis en cause aura finalement eu raison de la procédure française de cette mesure privative de liberté. Le Parlement a en effet adopté mardi une réforme visant notamment à réduire leur nombre de 800.000 à 500.000 par an.

Les réserves de Guéant

Il faut dire que l’exécutif n’avait plus vraiment le choix, après que le Conseil constitutionnel a censuré l’été dernier les règles actuelles de la garde à vue en imposant de renforcer les droits de la défense. Le ministère de la Justice a donc planché sur un texte qui "vise à construire un nouvel équilibre" entre besoins de l'enquête et droits du gardé à vue. La réforme soumise au vote des parlementaires introduit plusieurs innovations de taille : présence de l'avocat tout au long des auditions, rétablissement du droit au silence, renforcement du contrôle du parquet sur le déroulement de la garde à vue, encadrement des fouilles au corps.

Mais si le sujet a fait l’objet dans l’ensemble d’un consensus politique, il soulève tout de même de nombreuses inquiétudes, jusqu'au plus haut sommet de l’Etat. Claude Guéant a ainsi écrit au Premier ministre, François Fillon, pour exprimer ses réserves quant à la présence permanente de l'avocat, redoutant qu'elle ne soit source d'"incidents".

"C’est totalement flou"

Le ministre de l’Intérieur s’est fait là le porte-parole des policiers, particulièrement inquiets. Fait inédit, des syndicalistes ont distribué lundi des tracts devant l’Assemblée nationale. "Nous ne sommes pas prêts ", estime Philippe Capon, secrétaire général d’Unsa Police, au micro d’Europe 1. "Rien n’a été anticipé. Les collègues n’ont pas reçu le minimum d’information et de formation quant à la présence de l’avocat dans les auditions. Il y a aussi le problème des locaux. Pour recevoir un avocat, il faut des locaux particuliers. Les commissariats, les gendarmeries ne sont pas forcément équipés pour."

C’est donc bien la présence de l’avocat qui cristallise les craintes des policiers. "C’est totalement flou ", déplore Jean-Marc Bailleul, du Snop, principal syndicat d’officier. "On ne sait pas s’il pourra être présent à chaque audition. On sait déjà qu’il faudra l’attendre pour pouvoir interroger les mises en cause sur le fond. Et pour plein de petites procédures, ça va ralentir le processus. Et c’est ça qui nous inquiète. "

Les policiers, qui pressentaient bien que la réforme serait adoptée, espèrent désormais une certaine souplesse dans son application au quotidien.