L'e-cigarette, médicament ou pas ?

Alors que le Parlement européen doit décider mardi si l’e-cigarette doit être considérée comme un médicament vendu uniquement en pharmacie, plusieurs "vapoteurs" ont manifesté lundi à Strasbourg pour qu'elle garde son statut de produit de consommation.
Alors que le Parlement européen doit décider mardi si l’e-cigarette doit être considérée comme un médicament vendu uniquement en pharmacie, plusieurs "vapoteurs" ont manifesté lundi à Strasbourg pour qu'elle garde son statut de produit de consommation. © MaxPPP
  • Copié
, modifié à
Le Parlement européen pourrait réserver mardi la vente du produit aux pharmacies. À raison ?

L'INFO. "On n'est pas des malades. On n'a aucune raison de suivre un parcours médicalisé, ni d'aller en pharmacie", déplore Arnaud, au micro d'Europe1. Arnaud, comme un million d'autres Français séduits depuis le début de l'année, est un "vapoteur". Au briquet, il préfère le bouton. Plutôt que de la fumée, il choisit d'inhaler de la vapeur. Et la batterie de sa cigarette électronique a remplacé les cartouches dans son armoire. Alors que le Parlement européen doit décider mardi si l’e-cigarette doit être considérée comme un médicament et à ce titre, vendu uniquement en pharmacie, Arnaud a manifesté lundi à Strasbourg pour qu'elle garde son statut de produit de consommation. Pour lui et 200 autres manifestants (400, selon les organisateurs), il ne s'agit pas d'un médicament et son commerce doit rester libre.

>> Peut-on leur donner raison ? L'e-cigarette est-elle vraiment un produit comme les autres ? Ou doit-on la considérer comme un médicament ? Éléments de réponse.

POURQUOI ELLE RESSEMBLE A UN MÉDICAMENT

La cigarette électronique, 930*620

La principale vertu de l'e-cigarette, c'est celle de pouvoir se substituer à sa cousine traditionnelle. C'est ce qu'assure par exemple une étude néo-zélandaise publiée début septembre, dans le journal médical britannique The Lancet. L'étude suggère ainsi "que la cigarette électronique est comparable au patch à la nicotine pour aider les fumeurs à arrêter sur une période d'au moins six mois". 7,3% des fumeurs ayant testé durant 13 semaines l'e-cigarette auraient réussi à cesser le tabac. Et même 57% des vapoteurs auraient réussi à diviser par deux ou plus leur consommation. "On observe qu'en France, il y a 1% d'achat de cigarettes en moins chaque mois depuis le début de l'année. Cela représente l'équivalent de la consommation d'un million de fumeurs. Or, il y a un million de vapoteurs. Il y a bien une relation", a relaté aussi sur Europe1 Bertrand Dautzenberg, pneumologue à l'Hôpital de la Salpêtrière à Paris.

Une enquête choc de 60 Millions de consommateurs avait toutefois jeté le trouble, fin août. Elle affirmait avoir trouvé des "molécules cancérogènes en quantité significative" dans la vapeur de l'e-cigarette. Formol, acroléine, et autres métaux "potentiellement toxiques", l'association s'inquiétait d'y trouver certains produits dangereux dans les mêmes proportions que dans les cigarettes traditionnelles. Mais pour certains spécialistes, il existe tout de même encore un monde entre les deux produits. "La cigarette, c'est comme prendre l'autoroute à contresens à 180 km/h. L'e-cigarette s'apparente plutôt à un excès de vitesse dans le bon sens. Ce n'est pas bien mais c'est beaucoup mieux. C'est même 100 à 1000 fois moins dangereux que le tabac", résume Bertrand Dautzenberg.

"C'est dangereux quand même, le produit n'est pas anodin. Tous les médicaments font du bien et du mal. Mais quand le rapport bénéfice-toxicité est positif, cela devient un médicament", détaille ce pneumologue, qui n'a pas un avis isolé. Dans un "Appel pour la reconnaissance médicale de la cigarette électronique", dix médecins ont également pris le même parti lundi. Ils souhaitent ainsi "rassurer les fumeurs sur les idées fausses qui circulent sur la cigarette électronique." "C'est la combustion du tabac qui est dangereuse pour la santé des fumeurs, pas la nicotine," insistent ces médecins.

POURQUOI ELLE N'EN EST PAS (ENCORE) UN MEDICAMENT

27.06.Tabac.cigarette.electronique.vapoteur.Reuters.930.620

© REUTERS

"J'attends des études pour dire que c'est un bon substitut ou un bon médicament, comme le patch, et je ne le recommande pas pour l'instant", prévient tout de même le pneumologue de la Salpêtrière. Pour lui, comme pour les signataires de l'appel lundi, il est prématuré de définir l'e-cigarette comme un produit pharmaceutique. Et cela pourrait même nuire à la recherche. "Nous soutenons la position des autorités françaises de ne pas faire de l'e-cigarette un médicament, de manière à laisser la recherche ouverte à tous les industriels potentiellement concernés par la sécurité et l'efficacité de ce produit", expliquent les dix médecins dans leur "Appel".

POURQUOI EN FAIRE UN MÉDICAMENT SERAIT CONTREPRODUCTIF

Pour les dix médecins et les manifestants strasbourgeois de lundi, classer l'e-cigarette comme un médicament risquerait de nuire à sa commercialisation. Avec le danger que les vapoteurs retournent vers le tabac. "L'intérêt de ce produit, c'est qu'il est accessible facilement. Pour qu'un produit aille en pharmacie, il doit passer toute une série de tests. Si cela devient le cas de la cigarette électronique, il sera alors impossible de garder la même richesse de produits. Et si le nombre de produits diminue, le fumeur va retourner vers le tabac", assure Arnaud au micro d'Europe1. "Le risque, c'est que 90% des vapoteurs n'aillent pas en pharmacie. L'accès au produit serait considérablement réduit et cela nuirait à la régression du tabagisme", s'inquiète également  Bertrand Dautzenberg. Et de prévenir : "il pourrait même se créer un trafic de nicotine, peut-être associé au trafic de cannabis".