Garde à vue prolongée pour Bernard Tapie

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avec Alain Acco , modifié à
L'homme d'affaires est auditionné depuis lundi à la brigade financière dans le cadre de l'affaire Adidas.

L'INFO. Initialement convoqué à la brigade financière lundi, Bernard Tapie a été dans un premier temps placé en garde à vue à l'hôpital parisien de l'Hôtel-Dieu. Il doit s'expliquer dans le cadre des investigations sur l'arbitrage dont il a bénéficié dans son litige avec le Crédit lyonnais. Un dossier dans lequel trois protagonistes ont dernièrement été mis en examen. Bernard Tapie va donc devoir raconter les conditions dans lesquelles il a convaincu l’État d’engager un arbitrage privé dans l’affaire Adidas. La garde à vue de l'homme d'affaires a été prolongée mardi matin. Elle peut s'étendre jusqu'à vendredi.

D'après les informations recueillies par Europe 1, Jean Bruneau, le président de l'Association des petits porteurs est également en garde à vue. Au milieu des années 90, cet homme avait fait front commun avec Bernard Tapie face au Crédit lyonnais.

Un passage par l'Hôtel-Dieu. A deux pas du Palais de Justice, l'Hôtel-Dieu abrite les urgences médico-judiciaires et dispose d'une salle spécialisée, la salle Cusco, pouvant accueillir des gardés à vue nécessitant une surveillance médicale. Bernard Tapie a commencé sa garde à vue là-bas en raison d'un problème de santé chronique, selon les informations recueillies par Europe 1. L'ancien ministre a en effet présenté un certificat médical faisant état d'une "pathologie pulmonaire chronique". Mais en début d'après-midi, Bernard Tapie avait pu regagner les bureaux de la police judiciaire, son état de santé étant jugé compatible avec une garde à vue classique.

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Pourquoi est-il convoqué ? Pour les juges d'instruction, Bernard Tapie est au cœur de ce dossier. L'homme d'affaires est le principal bénéficiaire de ce que les juges d'instruction qualifient de "simulacre d'arbitrage" : "une escroquerie en bande organisée", avec 403 millions d'euros à la clef. Cette audition était donc inévitable. Avant cela, les policiers de la brigade financière ont interrogé quasiment tous les protagonistes. Les avocats, les juges-arbitres, l'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy et même, il y a quelques jours, sans qu'on le sache, l'ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée, François Pérol. Au fil des perquisitions effectuées ces derniers mois, chez les uns et chez les autres, les enquêteurs ont aussi saisi bon nombre d'indices et de documents parfois troublants : des agendas aux pages arrachées, des répertoires téléphoniques, des documents bancaires. Tout cela a été minutieusement compilé et analysé, et va désormais être présenté à Bernard Tapie.

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Pourquoi est-il en garde à vue ? Dès son arrivée lundi matin à la brigade Financière, dans le 13e arrondissement de Paris, Bernard Tapie a été  placé en garde à vue. Il s'agit pour lui d'une garantie de protection. Dans ces conditions, tout au long des interrogatoires, qui risquent d'être longs, Bernard Tapie aura à ses côtés l'un de ses avocats, Hervé Témime. Les nombreuses questions des policiers vont principalement s'articuler autour de deux axes : comment et auprès de qui, précisément, a-t-il plaidé sa cause au sommet de l’État ? Et puis, surtout, quels étaient ses liens avec les arbitres qui se sont prononcés en sa faveur. Notamment avec Pierre Estoup, premier mis en examen dans ce dossier ? Les deux hommes assurent qu'ils ne se connaissent pas, mais ils ont chacun le numéro de portable de l'autre. Les policiers voudront sans doute savoir pourquoi Bernard Tapie lui a chaleureusement dédicacé un de ses livres, dix ans avant l'arbitrage. "Vous avez changé le cours de ma vie", y écrit-il.

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Que risque-t-il ? A l'issue de la garde à vue, qui peut durer quatre jours, Bernard Tapie peut être présenté aux juges d'instruction. Ces derniers pourraient décider de le mettre en examen pour "escroquerie en bande organisée". Les magistrats peuvent être tentés de saisir ses biens pour  les placer sous séquestre ou lui demander de verser une caution pour être remis en liberté. C'est ce qui était arrivé à Jérôme Cahuzac quand il avait avoué posséder 600.000 euros sur un compte à l'étranger. Les juges lui ont demandé une caution du même montant. Bernard Tapie peut donc s'attendre à une semaine cruciale. D'autant qu'il y a aussi, mardi et mercredi, un conseil d'administration extraordinaire du CDR, l'organisme qui gère le passif du Crédit Lyonnais, pour décider de lancer un recours en révision de l'arbitrage.

Qui est le prochain sur la liste ?  Cela dépend, en partie, des déclarations de Bernard Tapie et des personnes qu'il pourrait mettre en cause. Si jamais il se défaussait sur son avocat de l'époque, Me Lantourne, celui-ci pourrait être à nouveau convoqué.  Mais l'audition la plus attendue, la plus logique, c'est celle de Claude Guéant, à l'époque secrétaire général de l'Elysée. Une entrevue qui parait très probable.