Des archives secrètes bientôt dévoilées ?

L'Assemblée nationale doit se prononcer sur les "comités secrets" datant de 1870 et 1871.
L'Assemblée nationale doit se prononcer sur les "comités secrets" datant de 1870 et 1871. © MAXPPP
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Les débats parlementaires à huis clos pendant la guerre de 1870 pourraient être rendus publics.

C’est une procédure exceptionnelle que les députés s’apprêtent à suivre mardi. L’Assemblée nationale doit en effet décider de rendre publics ou garder secrets les débats tenus en "comités secrets" en 1870, lors de la guerre entre la France et la Prusse, et en 1871, juste avant la Commune de Paris. Selon Le Monde daté de mercredi, ces 723 pages ont été découvertes en 2009 par un fonctionnaire de la bibliothèque et des archives de l’Assemblée nationale.

Jules Ferry : "préoccupations politiques déplorables"

Ces archives secrètes ont déjà été consultées, puisque les scellés qui fermaient ces enveloppes jaunies par les années ont été brisés. La règle, très stricte, et datant de la Révolution française, a donc été bafouée. Car la procédure des comités secrets, soit la possibilité pour l’Assemblée de débattre à huis clos, et de ne pas porter la teneur des échanges au public, est draconienne, rappelle Le Monde. D’abord, les tribunes réservées au public sont fermées. Ensuite, le nombre de fonctionnaires présents est réduit au strict minimum. Enfin, les débats sont tenus secrets pour une durée indéterminée. Seule l’Assemblée a le pouvoir de les rendre publics. D’où le vote de mardi.

Les fameuses 723 pages, dont Le Monde publie des extraits, concernent quatre "comités secrets" sur deux périodes distinctes. Les trois premiers, datant des 13, 25 et 26 août 1870, concernent la guerre franco-prussienne. Au Corps législatif, nom de l’Assemblée nationale dans la Constitution de 1852, le débat porte notamment sur l’armement des Parisiens. Le pouvoir de Napoléon III craint de confier des fusils à une population en grande partie républicaine, au grand dam de l’opposition. Un député de Paris condamne des "préoccupations politiques déplorables". Il s’appelle Jules Ferry.

Le cri de Clemenceau

Le quatrième "comité secret" se tient le 22 mars 1871. Entretemps, la guerre a été perdue, la République proclamée et la droite monarchiste a remporté la majorité à l’Assemblée nationale, déplacée à Versailles. Entretemps aussi, deux généraux ont été tués par les Parisiens, qui refusaient de rendre leurs canons, et le drapeau rouge a été hissé sur l’Hôtel de Ville dans une préfiguration de la Commune de Paris.

A l’Assemblée, le débat se tient entre les partisans de l’intransigeance et ceux qui croient encore au dialogue. Ces derniers, largement minoritaires, perdent la partie, malgré ce cri du maire de Montmartre : "Vous serez responsables de ce qui va suivre". Son nom : Georges Clemenceau, qui aura prédit l’instauration de la Commune de Paris quatre jours plus tard et surtout la libération extrêmement sanglante de la ville par les troupes d’Adolphe Thiers en mai 1871.

Si les députés en décident ainsi, les 723 pages seront accessibles au grand public. La dernière fois que la représentation nationale avait dû trancher une question du même genre, c’était en 1968, et cela concernait des débats datant de 1916-1917, rappelle Le Monde. Quant aux derniers "comités secrets" en date, ils se sont tenus de février à mars 1940. Ils ont été rendus publics dès 1948.