Cerveau : ces mystères à élucider

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Sophie Amsili , modifié à
En pleine Semaine du Cerveau, nous avons sélectionné trois sujets sur lesquels butent les chercheurs.

Le cerveau est à l'honneur cette semaine dans plus de 25 villes de France. Des expositions, des conférences, des ateliers ou encore des projections sont organisées pour faire découvrir au grand public les progrès des neurosciences. Et celles-ci avancent, surtout depuis une quinzaine d'années et le développement de l'imagerie. Avec un changement notable à la clé : "Le cerveau n'est plus considéré comme la commande centrale qui raisonne avant d'agir. Il se développe en même temps que le corps et l'histoire d'un individu et entretient un rapport étroit avec ces derniers", souligne Roland Salesse, coordinateur national de la quatorzième Semaine du Cerveau et directeur de recherche à l'INRA, joint par Europe1.fr. Du coup, "on réhabilite beaucoup les émotions".

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Mais "le cerveau reste mystérieux", confirme Roland Salesse. Mieux, "plus on avance, plus on a de questions." Europe1.fr a donc demandé à Philippe Vernier, président de la Société des Neurosciences, de sélectionner trois grands mystères qui restent à résoudre

• On ne sait pas lire dans les pensées

 "On sait aujourd'hui que toute activité cérébrale est codée dans les neurones. Quand on reconnaît un endroit, on identifie un visage ou on prend une décision, nos neurones envoient des impulsions électriques à différentes fréquences et modulations. Mais on ne sait pas comment les neurones s'associent. Conséquence, on voit quelles régions cérébrales s'activent pour effectuer telle activité, mais la réciproque n'est pas vraie : si on voit une activité cérébrale, on ne sait pas à quoi la personne pense.

Ceci dit, depuis quelques années, on arrive à deviner la pensée de certaines personnes lorsqu'elles agissent sur des taches très précises et spécifiques. Par exemple, si elle compte, on arrive à peu près à dire si elle pense à un 1 ou à un 2. On se trompe encore, mais on fait mieux que si on choisissait un chiffre au hasard !

• On ne sait pas expliquer pourquoi un événement génère telle émotion

"Nous associons des émotions à tous les événements que nous vivons : c'est tantôt agréable, surprenant, effrayant, énervant, triste ou dégoûtant. Mais on ne sait pas expliquer pourquoi on associe telle émotion plutôt qu'une autre. Par exemple, une personne peut apprécier le rythme entraînant du rock mais on ne sait pas dire pourquoi elle associe la joie à ce rythme. Il y a peut-être une part de mécanisme génétique mais c'est presque toujours lié à l'histoire personnelle.

De même, on s'est rendu compte qu'on associait toujours une émotion plus positive à obtenir une récompense immédiate, même petite, plutôt qu'une récompense plus grande et plus tardive, sans qu'on explique avec certitude ce mécanisme. Cette question a été beaucoup étudiée pour expliquer certaines décisions irrationnelles comme lors d'un krach boursier, lorsqu'un trader préfère un petit gain plutôt que rien même si cela signifie de mettre à plat le système monétaire.

• On ne sait pas pourquoi on devient dépendant à certaines drogues

"On sait que les drogues dures (héroïne, amphétamines, ecstasy et morphine) altèrent le système de récompense dans le cerveau, entraînant une dépendance. On retrouve le même mécanisme, même s'il est moins évident, dans l'addiction à d'autres drogues, au tabac, à l'alcool, au sucre, aux jeux ou encore à la recherche de sensations fortes. Mais de nombreuses questions demeurent : pourquoi certaines personnes deviennent-elles dépendantes aux jeux violents plutôt qu'au tabac ? Pourquoi le sucre rend-il dépendant et pas la carotte ? Autrement dit, pourquoi des composés provoquent-ils une addiction et pas d'autres et pourquoi chez certaines personnes et pas d'autres ? Comme souvent, on sait dire comment ça marche mais pas pourquoi."