Ce qui est reproché à Sciences Po Paris

Sciences Po Paris est dans le viseur de la Cour des comptes.
Sciences Po Paris est dans le viseur de la Cour des comptes. © Max PPP
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Charles Carrasco avec AFP , modifié à
Dans un rapport révélé lundi par Le Monde, la Cour des comptes pointe la gestion de l'ère Descoings. 

Primes démesurées, enseignants invisibles, avantages luxueux, absence de contrôle : la Cour des comptes fustige la gestion de Sciences Po Paris et de son ex-directeur, Richard Descoings, mort le 3 avril dernier à New York. Elle appelle à réformer cette prestigieuse institution dont le statut serait obsolète, dans un rapport révélé mardi par Le Monde.

Une gestion hasardeuse. La Cour des Comptes a déclenché fin 2011 un contrôle sur la gestion de Sciences Po, dirigée depuis 1996 par Richard Descoings. "La politique de développement de Sciences Po n'a pu être mise en œuvre qu'au prix d'une fuite en avant financière et d'une gestion peu scrupuleuse des deniers publics", selon le rapport provisoire qui remet en cause l'absence de "contrôle interne et externe".

Un statut obsolète. Le rapport met en lumière le problème du statut de l'institution, qui avait entraîné une gabegie d'argent public. Il y a une imbrication de la FNSP (Fondation nationale des sciences politiques), régie par le droit privée, et l'IEP, établissement de droit public, sans budget propre, mais la gestion est assurée par la fondation.

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© Max PPP

Les primes démesurées. Entre 2005 et 2011, la rémunération annuelle brute de Richard Descoings a augmenté de 60,4%, culminant à 537.246,75 euros en 2010. Elle "tombera" à 505.806,29 euros l'année suivante.

"A titre de comparaison, la rémunération annuelle brute du président d'un autre grand établissement universitaire était de 160.095,61 euros en 2011", critique la Cour. "L'indemnité mensuelle de (Richard Descoings) ne repose sur aucun contrat formel et n'a pas été votée en conseil d'administration", ajoute-t-elle.

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Des disparités entre enseignants. A Sciences-Po, les vacataires représentent 20% des dépenses en personnel alors qu'ils assurent 93% des heures d'enseignement. En ce qui concerne les enseignants-chercheurs, la Cour estime qu'ils effectuent seulement 30% de leur service mais sont payés 100%.

Des étudiants qui coûtent trop cher. A l'IEP, "le coût moyen d'un étudiant est supérieur de plus de 3.000 euros à celui d'un étudiant à l'université Paris-Dauphine". La facture est acquittée par le ministère de l'Enseignement supérieur pour un surcoût de 300 euros par étudiant. Mais aussi par les familles à qui on demandait en moyenne, en 2010, 400 euros à Dauphine et un peu plus de 3.000 euros à Sciences Po, relève Le Monde.

Un manque d'ouverture sociale. Il y a aujourd'hui plus de boursiers qu'en 2005, mais l'IEP n'atteint pas "le pourcentage attendu de 30%" en 2012, selon le rapport qui précise que la proportion des étudiants issus de parents "cadres" ou de "profession intellectuelle" a augmenté de cinq points.

Des biens mal gérés. La fondation possède également des biens immobiliers qu'elle met à la disposition des salariés. Ainsi, un directeur de recherche aurait bénéficié d'un logement de fonction dont le loyer mensuel est estimé à 3.257 euros tout en déclarant un avantage annuel de 1.560 euros, rapporte le quotidien du soir.

Après ce rapport, la Cour "invite le ministère à revoir au moins en partie sa subvention à la baisse alors qu'elle a augmenté de 33% en cinq ans (plus de 63 millions d'euros en 2010). Selon les informations du Monde, l'institution de contrôle des finances publiques envisage de saisir la ministre de l'Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, dès cette semaine. Après la mort de Richard Descoings, celle-ci aurait demandé, dès le mois de septembre, de geler la procédure de désignation de son successeur jusqu'à la publication du rapport, attendu en novembre.

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