Buzz Aldrin, le deuxième homme à avoir marché sur la Lune en juillet 1969. 5:05
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Romain David
Longtemps focalisés sur la planète rouge, les principaux acteurs de la conquête spatiale ont revu leurs ambitions à la baisse ces dernières années et font à nouveau de la Lune une destination à atteindre, alors que l'homme ne l'a plus foulée depuis 1972.
LE TOUR DE LA QUESTION

Objectif Lune. Objectif Mars ? Le 21 juillet 1969, l’homme pose le pied sur la Lune, après plus d'une décennie de conquête spatiale, largement motivée par la rivalité entre les Etats-Unis et l’URSS. L’étape suivante semble alors s’imposer d’elle-même : envoyer un vol habité vers Mars. Une gageure technique sans commune mesure avec le voyage en trois jours vers notre satellite naturel. Mais cinquante ans plus tard, Mars semble bien loin des préoccupations aéronautiques, tandis qu’émergent de nouveaux acteurs de la conquête spatiale, qu’il s’agisse de grandes puissances, comme la Chine ou l’Inde, ou bien d’entreprises privées tels que SpaceX ou Blue Origin. Avec un point commun cependant : revenir sur la Lune.

Au micro de Wendy Bouchard, dans Le Tour de la question sur Europe 1, notre consultant scientifique Alain Cirou explique comment l’astre poussiéreux, 47 ans après la dernière exploration habitée, est redevenu un objet de conquête, au centre des préoccupations spatiales, au point d’éclipser la planète rouge.

>> De 9h à 11h, c’est le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l’émission ici

Des programmes coûteux.. pour pas grand chose

De fait, les Etats-Unis ont multiplié les programmes spatiaux visant à atteindre Mars dès la fin des années 1980, avant de fermer le robinet de la dépense à la fin des années 2000. En 1989, George H.W Bush lance Space Exploration Initiative, avec pour objectif de renvoyer des hommes sur la Lune afin d’envoyer à terme des astronautes sur Mars. En 2004, son fils de président, George W. Bush, porte encore la même ambition avec le programme Constellation. "Deux présidents Bush ont fait un programme, dans lequel ils ont dépensé beaucoup d’argent pour la communication, mais c’est tout", relève Alain Cirou. "Ensuite on a vu Clinton dire : 'Nous irons sur Mars'."

Le 1er février 2010, le président Barack Obama sonne la fin des ambitions spatiales américaines et propose l’annulation du programme, arguant notamment des dépenses générées et du retard pris par rapport aux objectifs fixés. "Il a dit stop : 'Puisque nous avons dépensé beaucoup d’argent pour faire de la communication, réfléchissions aux moyens techniques dont on dispose. [Aller sur Mars] est extrêmement compliqué, donnons-nous le temps d’y penser'."

La Lune, une destination crédible

Le retour à un certain pragmatisme budgétaire et technique a donc poussé à abandonner Mars comme destination pour un vol habité, mais surtout à faire de nouveau de la Lune une destination crédible pour maintenir une activité dans l'espace, essentielle aux grandes puissances. "L’espace est devenu un continent supplémentaire, qui entoure la terre et qui distribue sur la terre des informations, de la localisation, de l’interconnexion. Nous sommes spatio-dépendants", insiste Alain Cirou.

L’émergence de nouvelles puissances spatiales a également relancé l’engouement pour le seul satellite naturel de la Terre. "Les Chinois ont décidé d’aller sur la Lune, non pas par compétition, mais pour montrer à leur population qu’ils en sont capables", explique Alain Cirou. Car il faut dire que l'exercice reste particulièrement périlleux. "Il y a peu de temps, les Israéliens ont tenté de poser un engin automatique à la surface de la Lune. Il s’est crashé… ça n’est pas si facile que ça."

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Un espace à conquérir devenu espace économique

Dans le cadre de la guerre commerciale qu’il a ouvert avec la Chine, Donald Trump projette également ses ambitions nationalistes sur la Lune. En début d’année, le gouvernement américain a demandé à la Nasa de ramener des Américains sur la Lune d’ici 2024, ce qui correspondrait à la fin du second mandat du locataire de la Maison blanche dans l'hypothèse d’une réélection, même si celui-ci a estimé dans un tweet, le 7 juin, que Mars devait rester un objectif "plus grand". "Il s’agit de dire : 'Nous avons été les premiers à aller sur la Lune, nous serons de nouveau les premiers à y retourner", décrypte Alain Cirou.

"Après l’époque des pionniers qui ont lancé des satellites et des hommes, répondant à un besoin de démontrer que l'on en avait la capacité technique, aujourd’hui c’est l’économie qui a pris le dessus", relève notre spécialiste. "L’économie a fait venir deux nouveaux acteurs : SpaceX et Blue Origin, qui ont attribué à l’espace une valeur marchande avec une ubérisation des coups de lancement et des satellites." Au 21e siècle, la Lune n’est plus une terre lointaine à fouler, mais un marché à posséder. De quoi relancer une nouvelle forme de conquête.