Covid-19 et science : "Dans cette crise, on n'a pas supporté de ne pas tout savoir sur ce virus"

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Mathilde Durand
Face à l'irruption de la science dans notre quotidien, en raison de l'épidémie de Covid-19, une "légitime ignorance" est apparue dans la société, porte ouverte à toutes les rumeurs. Auteur de "Qu'en dit la Science ?", le physicien et vulgarisateur scientifique Raphaël Chevrier décrypte la définition et la place de la science dans notre quotidien, vendredi sur Europe 1. 
INTERVIEW

Avec l'épidémie de Covid-19, le rapport de l'opinion publique à la science s'est transformé. "La science s'est imposée dans nos vies, un peu du jour au lendemain, avec cette crise. On a appris à analyser des courbes, des données. C'est positif mais ça ne se fait pas du jour au lendemain", explique vendredi sur Europe 1 Raphaël Chevrier, physicien et vulgarisateur scientifique. Début avril, il a publié Qu'en dit la Science ?, aux éditions Buchet-Chastel. Un ouvrage dans lequel il tente d'aider à répondre aux questions scientifiques qui surgissent de plus en plus dans le débat public.  

Une "légitime ignorance"

Depuis le début de cette crise sanitaire, les données, les courbes statistiques, les études et les prises de paroles de scientifiques ont rythmé le quotidien du monde entier. Une irruption de la science dans la vie quotidienne qui a parfois entraîné des erreurs. "J'ai des amis qui ont adopté dans leur langage une forme de démarche scientifique, j'ai trouvé ça très positif. Evidemment, on a fait quelques erreurs, on n'a pas forcément bien distingué les subtilités la science", raconte Raphaël Chevrier, qui définit clairement le terme : "La science est une façon de questionner le monde et la nature qui nous entoure, de telle façon que les réponses vont pouvoir être vérifiées par nous-même ou par d'autres."

Il évoque également dans son ouvrage le concept de "légitime ignorance". "Quand je parle de légitimité, c'est que cela n'est pas grave de ne pas savoir, au contraire. Ce qui est grave, c'est de vouloir croire, de ne pas supporter l'inconnu. Et dans cette crise, justement, on n'a pas supporté de ne pas tout savoir sur ce virus", déplore le physicien. Une critique qui s'applique à l'ensemble de la société, élus et scientifiques compris.

C'est cette "légitime ignorance" qui est la porte ouverte aux fausses informations. Il relate notamment un évènement marquant selon lui, lorsque l'ancien prix Nobel Luc Montagnier a affirmé, sans contradictions, sur un plateau de télévision que le Covid-19 avait été fabriqué en laboratoire à partir de l'ADN du VIH. Une séquence qui a fait le tour des réseaux sociaux. "Il n'y a pas de solutions miracles, je pense qu'il faut faire un effort de recherche pour savoir quel est le passif des personnes qui prononcent ce genre d'hypothèse. En l'occurrence, Luc Montagnier est un habitué des polémiques", commente-t-il. "Je pense qu'il faut que les chercheurs soient clairs dans leur délimitation entre la connaissance, leurs hypothèses et leurs propres analyses."

Différencier politique et science

Dans son ouvrage, Raphaël Chevrier s'intéresse à la PMA, la 5G ou encore les vaccins. Des sujets brûlants qui sont sujets à toutes les controverses et les fausses informations. Mais son expérience lui permet aussi d'analyser l'actualité et la crise sanitaire qui se joue.

"Il faut bien faire la différence entre ce qui relève de la science et de la décision politique. Et Emmanuel Macron ne pouvait pas gérer cette crise uniquement à partir de scientifiques, il prend des décision politiques. Et c'est d'autant plus important de le comprendre que pendant le coronavirus ,on réfléchissait sur la base de modèles qui étaient par nature imparfaits, partiels et de données potentiellement évolutives", explique le physicien. "Même si l'on avait des données scientifiques et des informations scientifiques parfaitement connues, en fonction des objectifs politiques que vous vous fixez, vous allez prendre des décisions diamétralement opposées les unes des autres, mais vous allez être cohérent avec des données scientifiques de base."

"Il y a eu une tendance à utiliser des données scientifiques de manière un peu variable pour justifier des choix de confiner ou non", déplore-t-il, pointant le manque de scientifiques élus et impliqués en politique ou encore le manque de formation des dirigeants.