Contrôler "l'orbite basse" : au-dessus de nos têtes, une véritable guerre des étoiles

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Daniel Fortin, de la rédaction des "Echo"
Etats et acteurs privés se livrent à une véritable lutte d'influence dans l'espace, à coups de stations spatiales et de méga-constellations de satellites. L'enjeu n'est pas seulement politique et technologique, mais aussi commercial, à l'heure du tout connecté. 
DÉCRYPTAGE

Le départ très médiatisé de l'astronaute français Thomas Pesquet pour la station spatiale internationale (ISS), dont il doit prendre le commandement pour une durée de six mois, dissimule une véritable guerre commerciale qui se prépare dans l’espace. Elle se déroulera entre 400 et 1.300 kilomètres au-dessus de nos têtes - c’est ce qu’on appelle "l’orbite basse" - là où se trouve l'ISS, l'un des enjeux du conflit qui s’annonce. Les principaux mécènes de la station, les Etats-Unis et la Russie, se déchirent sur son avenir, tandis que plusieurs acteurs privés projettent d'envoyer dans la zone une armada de satellites.

Lutte de souveraineté 

L'ISS n’est plus de toute première jeunesse. Après 23 ans en orbite, elle nécessite une maintenance constante, qui coûte chaque année entre 4 et 5 milliards de dollars. La Russie souhaiterait se retirer du projet pour réinvestir sa contribution dans la construction d'une autre station. Ce que les Etats-Unis refusent, non pas qu’ils tiennent particulièrement à cet engin un peu périmé, mais parce qu’ils veulent absolument éviter que la Chine s’installe en majesté sur cette orbite avec sa propre station spatiale, qui pourrait entrer en service d'ici deux ans seulement.

Une guerre technologique entre acteurs privés

Outre les Etats, l’orbite basse est également le terrain d'affrontement de grandes fortunes mondiales. Elon Musk, le patron de Space X, veut installer 42.000 mini-satellites - rien que ça  ! - dans cette partie de l’espace. De son côté, Jeff Bezos, le patron d’Amazon, veut en lancer 3.000. Il s'agit de programmes gigantesques si on les compare au nombre de satellites actuellement en service, à peine 6.000 aujourd’hui, dont la moitié est hors d’usage. 

Pourquoi autant d’engins au-dessus de nos têtes ? L'enjeu est de préparer le futur monde des objets connectés ; il faudra dans un avenir proche de nombreux relais pour brancher de plus en plus de clients à Internet, pour piloter des voitures autonomes ou encore pour livrer des clients par drone. Et pour s'assurer une domination technologique, chacun veut sa méga-constellation de satellite, les Gafa bien sûr, mais aussi les Chinois.

Un Far West spatial

On pourrait croire que l'espace est assez vaste pour accueillir tout le monde, mais l'environnement immédiat de la Terre pourrait rapidement être envahi de dizaines de milliers de débris spatiaux quand ces différents satellites viendront à mourir. L’orbite basse n’est pas si vaste qu’on le pense, et elle a pris ces dernières années des allures de Far West, sans véritable règle sinon celle du premier arrivé-premier servi.

On sait déjà que les Etats vont devoir réguler cette ruée vers l’or des temps modernes, c’est en tout cas l'une des batailles les plus passionnantes du siècle qui est en train de se préparer.