Claudie Haigneré : "Je promeus la vision d’un village lunaire"

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Aurélie Dupuy
La seule femme française à avoir été dans l'espace pense que l'homme fera son retour sur la Lune à moyen terme. Elle espère une entente internationale.
INTERVIEW

On la surnomme 'Bac +19'. Claudie Haigneré est la première - et pour l’heure l'unique - femme française à avoir été dans l’espace. Elle a rejoint la station Mir en 1996 et la station spatiale internationale (ISS) en 2001. L'astronaute, qui a aussi été deux fois ministre, était l'invitée de l’émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie samedi, dans le cadre de la série de podcasts d'Europe 1 3h56, le premier homme sur la lune. Elle croit en la création, dans un futur proche, d'un "Moon village", un village international sur la Lune.

D'un camping de la Grande Motte à l'espace. Les envies extra-terrestres de Claudie Haigneré ont germé dans son esprit à l'âge de 12 ans. L'été 69, elle est en vacances en famille dans un camping de La Grande Motte. Neil Armstrong s'apprête à poser son pied sur la Lune. Il le fera à 3h56 heure française, le 21 juillet. Les vacanciers sont pressés devant un écran. "Mes parents nous avaient autorisé à regarder très tard. On a eu la chance, en plein air, de voir à la fois la lune dans le ciel et puis sur cet écran, cette image un petit peu floue. C’était jusque là dans le domaine du rêve, quelque chose que j’imaginais mais qui était inaccessible. Et ce soir là, ça devenait possible." 

Appel à candidatures. La suite est fulgurante, mais pas encore tournée vers les étoiles. Enfant surdouée, Claudie Haigneré obtient son Bac à 15 ans, sa cinquième année de médecine à 20. La porte vers les étoiles s'ouvre en 1985, dans un couloir de l'hôpital Cochin. Elle tombe devant un appel à candidature du Centre national d'études spatiales (CNES) pour devenir spationaute. "J’ai relevé tout de suite le numéro de téléphone pour demander un dossier. Ça avait complètement réveillé ce rêve d’enfant."

Sur un millier de candidatures, elle fait partie des sept retenus, quatre pilotes de chasse et trois scientifiques, dont elle. Son premier vol a lieu en 1996. Cette période de onze ans lui permet de se préparer longuement. Elle passe notamment une thèse de recherche fondamentale dans le domaine des neurosciences (ce qui lui vaut son surnom). En 1996, "je me sentais en confiance par rapport à mes propres capacités, dans l’équipage qui m’entourait et dans le système que j’avais appris à bien connaître. Donc, je me sentais prête. Mais impatiente", explique l'astronaute.

Entendu sur europe1 :
Faire village de cette petite humanité sur la Lune, c’est un joli concept qui m’intéresse beaucoup

"Un projet de société". De ces missions spatiales, "dont on ne revient pas indemne", elle a gagné une "foi en l'Humanité". Pour elle, la conscience écologique de la beauté et de la vulnérabilité de la planète est née de la conquête spatiale, car il n'y a pas meilleure observatoire de la Terre que l'espace. Elle qui a passé plus de dix ans en Russie, croit à une "coopération globale pacifique" pour les missions lointaines, vers Mars et la Lune. Elle l'affirme, "aujourd’hui, tout le monde a des projets pour aller sur la Lune" et donne l’exemple des Américains qui pensent à une infrastructure en orbite sis lunaire, le Gateway. "Des entreprises privées sont intéressées, joignent leur force aux agences institutionnelles (...) Il y a vraiment une volonté de multiples utilisateurs qui montrent leur intérêt pour aller sur la Lune, y vivre, y travailler, apprendre à se développer." Et l'astronaute se montre positive : "Cela peut permettre à notre Humanité de penser demain. Des équipages, il y a en aura autour de 2030. Je considère ça comme un projet de civilisation, un projet de société."

 

"Moon village". Elle vise même la création d'une sorte de village lunaire, pensé de manière globale. "Faire un village de cette petite humanité sur la Lune, c’est un joli concept qui m’intéresse beaucoup", dit-elle, en revenant à cette foi en l'Humanité qu'elle évoquait. "C’est pour ça que je promeus cette vision d’un village lunaire, un 'Moon village', plutôt que d’y aller chacun séparément. Si on essayait de penser pour une fois, tranquilles, comment on peut se coordonner pour être respectueux de ce que chacun souhaite faire mais aussi de ce bien commun", espère-t-elle. "On a encore un petit peu de temps, on a les outils technologiques. " L'étape serait, pour elle grandiose, comme "un pas complémentaire d’expansion de notre humanité".