"Pour photographier le ciel, l'esthétique ne suffit pas"

Une photographie de Laurent Laveder à Penmarch, Bretagne.
Une photographie de Laurent Laveder à Penmarch, Bretagne. © Laurent Laveder
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Noémi Marois , modifié à
PORTRAIT - Amoureux des astres, Laurent Laveder est devenu astrophotographe. À l'occasion de la nuit des Étoiles du 31 juillet au 2 août, Europe 1 vous dresse son portrait.

Muni de son appareil photo et de son trépied, il guette dans la nuit noire le bon moment pour faire le portrait de nos cieux. Laurent Laveder, 43 ans, est astrophotographe et fait partie du prestigieux "World at night", collectif international qui regroupe les trente meilleurs astrophotographes du monde. Il raconte à Europe 1 sa passion apparue à l'adolescence et qui est devenue en 2008 son métier.

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"L'astronomie, ça m'a accroché". Dans astrophotographe, il y a "astro" et "photographe". Mais pour Laurent Laveder, c'est d'abord l'astronomie qui l'a attiré dès l'âge de 14 ans : "ma professeure de physique a remarqué que quand il s'agissait des étoiles, je me mettais à causer. Elle m'a alors proposé de participer au club d'astronomie du collège, et là, ça m'a accroché". 

Un événement le marque alors : un voyage scolaire à la Réunion en 1986. "C'était pour voir la comète de Halley qui ne se montre que tous les 86 ans. J'ai même pris des photos avec les moyens de l'époque, sur pellicule". Il ne savait alors pas qu'il inaugurait une carrière d'astrophotographe. 

Laurent Laveder astrophotographe

© Laurent Laveder

Un bord de mer, la lune… le déclic. Tout en continuant à assouvir sa passion des astres lors de ses études et au sein d'associations, Laurent Laveder se met petit à petit à la photographie : "D'abord dans mon jardin, puis, lors de séjours à la montagne". Et lors d'une nuit, en 2001, "j'étais en bord de mer à marée basse, j'apercevais la Lune et la planète Mars. J'ai pris un cliché et ça m'a plu". Laurent Laveder se lance dans l'astrophotographie. 

"Une photo est belle parce qu'elle apporte des informations ". Être astrophotographe, c'est juste faire des jolies photos ? Laurent Laveder désapprouve : "Le hasard et l'esthétique ne suffisent pas. Pour être astrophotographe, il faut être connaisseur. Quand je fais le choix d'un lieu, c'est beaucoup de travail. Selon la date, l'heure et l'orientation, j'étudie la carte du ciel pour savoir ce que je vais trouver. Sur chacune de mes photos, on voit une constellation particulière, par exemple Orion". 

Ci-dessous, avec trois photos d'un même paysage, Laurent Laveder explique l'évolution du ciel en l'espace de deux heures. Un long temps d'attente est parfois nécessaire pour faire une photo satisfaisante. Ici, c'est le troisième cliché que retiendra Laurent Laveder. 

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© Laurent Laveder

"À  3h du matin, le Quartier de Lune est encore assez haut dans le ciel. Il éclaire directement une partie du premier plan. La Voie lactée est à peine visible".

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© Laurent Laveder

"Une heure plus tard, la Lune a décliné tandis que la Voie lactée continue à s'élever, la rendant plus facile de détecter".

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© Laurent Laveder

 

"C'est encore 40 minutes plus tard, une fois la Lune tout juste couchée, que la Voie lactée se déploie dans toute sa splendeur".

Laurent Laveder veut donner un maximum aux personnes qui admireront ses photos lors d'expositions : "L'esthétique, ça parle à tout le monde. Moi, j'apporte un discours astronomique en plus. Une photo est belle parce qu'elle apporte des informations ". 

Astrophotographe et breton. Laurent Laveder ne rejette pas pour autant l'esthétique : "Je choisis des endroits jolis pour faire mes photos." Mais pas de grands voyages pour l'astrophotographe. Son terrain d'action se limite à la Bretagne : "Un port, un cimetière de bateaux, Quiberon, la côte sauvage, les presqu'îles… Une fois je suis allé en Normandie. C'était bien mais moins beau que la Bretagne". 

Il y aussi des raisons objectives au choix de la Bretagne: "Face à la mer la nuit, l'astrophotographe échappe totalement aux lumières des villes. La Bretagne a cet avantage d'avoir un littoral important, orienté en plus dans trois directions. Nord, Ouest et Sud".

Photos retouchées ? Laurent Laveder ne pratique pas l'esthétique à tout prix : "Les gens sont parfois étonnés des couleurs de mes photos, surtout ce bleu si particulier du ciel quand on est entre chien et loup. Mais je ne retouche pas les couleurs de mes photos". L'astrophotographe, par contre, travaille sur les contrastes "lorsqu'une photo est trop sombre, pour faire ressortir la Voie Lactée par exemple".

A 3h du matin, le Quartier de Lune est encore assez haut dans le ciel. Il éclaire directement une partie du premier plan. La Voie lactée est à peine visible.

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"Je ne suis pas un loup-garou". Pour le reste, rien d'extraordinaire selon Laurent Laveder. "Je ne fais pas tant de sorties que ça. Une tous les deux mois suffit pendant laquelle je fais deux ou trois sites. Et puis, je ne suis pas un loup-garou, je ne traque que quelques heures, jamais une nuit entière". Mais il reconnaît que son expérience lui permet d'être efficace une fois sur le terrain.

"Un côté mystique". Laurent Laveder l'admet : "Quand je photographie, c'est un moment particulier. La nuit, on est l'invité de l'environnement, on est plus humble". Sans rechercher la solitude, Laurent Laveder se dit quand même "contemplatif". "Je profite de la mélodie des vagues, des bruits que font les animaux, du vent. Et être seul face aux étoiles, ça a un côté mystique".

Le partage avec les autres vient dans un deuxième temps sur internet ou pendant les expositions.

Un arc-en-ciel de nuit. Pas de quête spirituelle pour Laurent Laveder mais une "quête documentaire". Ce qu'il aime, "c'est prendre en photo les phénomènes rares qui ont longtemps fait partie de la légende. Par exemple, quand le soleil se couche, son tout dernier rayon est vert. J'ai réussi à le photographier". Et quand la lumière de la Lune croise le crachin, ça donne un arc-en-ciel de nuit. "Les couleurs sont invisibles pour l'œil mais elles apparaissent sur la photo", explique Laurent Laveder. 

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© Laurent Laveder

Ses conseils à un astrophotographe débutant ? Pour commencer, "il faut s'informer sur les  forums comme Webastro ou Astrosurf où des gens passionnés vous guideront et critiqueront vos photos pour vous faire progresser. Il faut aussi fréquenter un club d'astronomie". Pour le matériel, Laurent Laveder utilise un boitier réflexe Canon 6D avec un optique à focal fixe et lumineux mais "pour un débutant, un boîtier réflexe à partir de 450 euros suffit. Les objectifs peuvent s'acheter d'occasion". Et puis, pour le choix du terrain, la base est de "s'éloigner à tout prix des lumières des villes".