Vous n'osez pas prendre vos arrêts maladie ? Nos conseils pour lever vos craintes

Environ un Français sur deux irait travailler au moins une fois dans l'année en étant malade.
Environ un Français sur deux irait travailler au moins une fois dans l'année en étant malade. © AFP
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Selon une étude, 23% des salariés du privé décident de travailler malgré un arrêt de travail.
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Malades ou blessés, ils décident de continuer à travailler. En 2018, près d'un salarié du privé sur quatre (23%) a décidé de passer outre l’arrêt maladie proposé par leur médecin, selon une étude sur l'absentéisme au travail publiée mercredi par Malakoff Médéric et dévoilée par Europe 1. "Il y en a la moitié qui, en discutant avec le médecin, déclarent ne pas vouloir le prendre, et l'autre moitié rentre chez soi avec un arrêt-maladie et décide de ne pas le prendre", indique au micro d'Europe 1 Anne-Sophie Godon, directrice Innovation chez Malakoff Médéric.

Certains salariés décident même de ne pas aller voir leur médecin malgré un état qui le nécessiterait : à en croire une vaste étude en date de 2010 de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, 48% des Français se rendent au travail au moins une fois dans l’année malgré leur maladie, un record en Europe. Peur d’être débordé de travail en revenant, de faire peser un fardeau au reste de l’équipe ou à l’entreprise, d’être mal vu de sa hiérarchie ou encore de se faire prendre sa place… Les raisons évoquées par les salariés sont nombreuses et variées. Comment lever ses craintes ? La réponse, pas toujours simple, dépend du contexte. Europe 1 vous présente les différents cas de figure. 

Vous avez peur... de pénaliser l’entreprise ou d’accumuler des retards ?

Les salariés du commerce ou de l’hôtellerie-restauration (30%) figurent parmi les moins enclins à respecter leur arrêt de travail. Ce qui n’est guère surprenant, selon les spécialistes. "Ils voient les conséquences pour l'équipe qui va devoir les remplacer, mais aussi pour l'entreprise", explique Anne-Sophie Godon, de Malakoff Médéric. "On retrouve aussi des cadres, des dirigeants, avec des raisons liées à la conscience professionnelle, mais aussi la peur de revenir au travail avec plus de travail encore qu'en partant", poursuit-elle.

Pour tenter de lever les craintes de ces salariés, la plupart des spécialistes insistent sur une réalité simple : ce sera pire si vous travaillez en étant malade. Baisse de productivité, contagion des collègues, risque d’aggraver les maladies… "Toutes les études montrent que le ‘surprésentéisme’ dégrade l’état de santé des salariés qui s’y adonnent. Au lieu de s’arrêter quelques jours, ils risquent de devoir s’absenter pour une période plus longue quelques mois ou quelques années plus tard. Car la pathologie s’aggrave du fait de l’absence d’un temps de convalescence. Dans les cas extrêmes, le surprésentéisme peut mener au burn-out ou à des accidents vasculaires cérébraux", développe le sociologue Denis Monneuse, auteur de Le surprésentéisme : travailler malgré la maladie, interrogé par Terrafemina.

"Le travailleur en mauvaise forme peut mettre en danger les clients potentiels et ne pas remplir des conditions de sécurité optimales", renchérit David Spencer économiste à l’Université de Leeds, cité par Ouest France. Julien Leclercq, patron de l'agence de communication Com'presse, en a fait l'expérience : passer outre son arrêt de travail a failli empirer son état. "J'ai fait un traumatisme crânien à un entraînement de foot et on m'a prescrit un arrêt maladie d'une semaine. Je me suis dit : 'Je ne vais pas m'arrêter'. […] J'ai commencé à ne plus dormir. Je suis repassé à l'hôpital, je me suis vraiment arrêté une semaine et ça m'a fait vachement de bien."

Vous avez peur... d'être mal vu de votre hiérarchie ?

Reste que certains employés n’ont parfois pas le choix. "Beaucoup ont peur de perdre leur emploi, ou de se faire remplacer par quelqu’un de plus jeune, en meilleure forme. Souvent, cela veut dire qu’ils ne se sentent pas en sécurité dans leur entreprise. Dans notre société, c’est la voix du manager, de la hiérarchie qui compte. Et dans certains secteurs, il y a parfois des méthodes de management quasi-militaires", explique à Europe 1 Sophie Maretto, psychologue et coach professionnelle.

Face à une hiérarchie peu encline à tolérer les absences, même pour raisons médicales, le salarié peut, à tout le moins, s’appuyer sur la loi (le détail ici). Un salarié licencié ou déclassé suite à un arrêt maladie peut obtenir la ré-obtention de son poste, accompagnée de dommages et intérêts. Et obliger un salarié à travailler pendant un arrêt maladie est fortement sanctionné, l’entreprise pouvant être contrainte de verser six mois de salaires d’indemnités au salarié pour "travail dissimulé".

Mais il faut, pour cela, en passer par les tribunaux. Les procédures peuvent être longues, et entraîner une dégradation de la relation avec sa hiérarchie. Le dialogue reste donc la meilleure solution si vous sentez que votre manager risque de mal prendre le fait que vous vous fassiez arrêter. "Il n’y a rien de pire que de ne pas dire les choses. Quand on attend trop pour s’exprimer, des malentendus et des frustrations se transforment en interprétations subjectives qui peu à peu créent un gouffre et un malaise", résument la coache Christine Lewicki et la DRH Emmanuelle Nave dans leur livre J’arrête de râler au boulot. Si vous avez besoin de conseils et d’arguments, vous pouvez vous rapprocher d’une Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, présente dans chaque région. Nous avons par ailleurs consacré un article aux différentes manières d'aborder un manager particulièrement difficile, que vous pouvez retrouver par ici.

" Cela nécessite de l’organisation, de la communication et de l’humanité de la part des entreprises "

Si vous n'osez pas parler seul à votre manager, vous pouvez aussi vous faire accompagner. "Les syndicats peuvent servir de médiateurs, mais dans notre société, ce n’est pas toujours bien vu. Une bonne personne pour faire le lien avec votre hiérarchie reste le médecin du travail", précise la coache Sophie Maretto. "Certains font vraiment du bon travail. Ils peuvent organiser des ateliers pour les cadres, voire des pièces de théâtre, des thérapies par le rire… Le tout pour faire bouger les mentalités, et faire en sorte que les arrêts maladie cessent d’être mal vus. Cela dépend évidemment du dynamisme et de la personnalité du médecin, qui ne dispose pas du pouvoir d’imposer ce genre de choses", poursuit la psychologue.

Selon elle, la gestion des arrêts de travail doit se gérer en amont, et en impliquant tout le monde. Et parfois, une simple décision peut  profiter à tous. "J’ai souvenir d’une caissière qui avait des problèmes de santé mais continuait à travailler. Puis tout d’un coup, elle a dû s’arrêter sur une longue période. L’entreprise a dû embaucher en urgence une caissière ‘volante’. Résultat, on s’est rendu compte que de nombreuses caissières étaient dans le même cas et hésitaient souvent à s’arrêter. Aujourd’hui, grâce à cette caissière ‘volante’, il y a moins d’hésitations", raconte Sophie Maretto. Et de tempérer : "Mais cela nécessite de l’organisation, de la communication et de l’humanité de la part des entreprises".