34% des dentistes refusent les patients séropositifs

  • Copié
Mélanie Gomez et C. P-R. , modifié à
Une enquête alarmante de l’association AIDES dénonce les difficultés que rencontrent encore les séropositifs pour prendre rendez-vous chez le dentiste ou le gynécologue.
INFO EUROPE 1

L’association AIDES révèle, jeudi matin, les résultats d'une enquête de "testing téléphonique", réalisée auprès de 116 gynécologues et de 440 cabinets dentaires, tirés au sort dans 20 villes de France. Et ces résultats, qu'Europe 1 vous dévoile en exclusivité, sont édifiants : prendre rendez-vous pour un motif de consultation aussi simple qu'un frottis ou détartrage, s’avère parfois un parcours du combattant lorsqu’on est séropositif.

34% des dentistes refusent de soigner les séropositifs. Cette enquête montre d'abord que 6% des cabinets de gynécologie refusent la prise de rendez-vous lorsque le patient au téléphone signale qu'il est séropositif. Mais la palme revient aux dentistes, qui refusent d’apporter les soins dans 34% des cas.
 
"Si vous pouviez aller en milieu hospitalier…" Dans la quarantaine d'extraits de l'association AIDES auxquels Europe 1 a eu accès, les secrétaires ou certains dentistes eux-mêmes n'y vont pas par quatre chemins, dès que le patient prévient être porteur du VIH. "Ecoutez là, honnêtement, si vous pouviez allez en milieu hospitalier, je préfèrerais", répond un dentiste joint par téléphone, avant d’ajouter un "désolé…".
 
Désolé, "elle n’a pas encore la thèse". Parmi ces refus de soin, ceux qui sont déguisés : "Désolé, on ne prend pas de rendez-vous juste pour un détartrage" ou alors "chez nous, vous savez cet acte est très cher avec nos dépassements d'honoraires". Certains n’hésitent pas à afficher des motifs de refus totalement farfelus : "Par contre, là, on ne pourra pas car elle n’est pas encore totalement formée, elle n’a pas encore la thèse, donc il faudra voir directement avec l’hôpital civil", ose une secrétaire.
 
Un rendez-vous après tout le monde. Enfin, on découvre aussi que certains dentistes mettent carrément en place des stratégies pour décourager les séropositifs. Par exemple, en ne leur proposant que des rendez-vous tard le soir après tous les autres patients, sous prétexte de protocoles d'hygiènes spécifiques. Un prétexte injustifié selon AIDES, car les patients VIH ne nécessitent pas plus de précautions que les autres patients, si ce n’est les mêmes règles fondamentales de stérilisation - qui doivent être pratiquées entre chaque patient.

Que risquent les médecins ? Sur le papier, un médecin ou un dentiste qui refuse de soigner un séropositif risque gros : il encourt des sanctions civiles et pénales. Pour les faits de discrimination, le code pénal prévoit ainsi jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende. Dans les faits, pourtant, les condamnations sont rarissimes : il est exceptionnel qu'un patient ose porter plainte et lorsque c'est le cas cela débouche rarement sur une condamnation. Exemple édifiant : en 2011, un patient avait porté plainte contre son dentiste qui avait refusé de lui soigner une carie en raison de sa séropositivité. La sanction pour le praticien ? Au bout de 2 ans, l'Ordre des dentistes, qui condamne pourtant fermement ce type de pratique, a seulement délivré un blâme au praticien... 

Ecoutez les extraits audio du testing :


Les séropositifs face au de refus de soinpar Europe1fr