Les Français consomment trop d'antibiotiques : la faute aux médecins ?

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"Entre 30 et 50% de ces traitements sont prescrits inutilement car inadaptés aux pathologies diagnostiquées", selon le ministère de la Santé.

Malgré des années de campagne contre l'abus d'antibiotiques, les Français en consomment toujours beaucoup trop. "Entre 30 et 50% de ces traitements sont prescrits inutilement car inadaptés aux pathologies diagnostiquées", selon le ministère de la Santé, qui veut réduire cette consommation de plus de 25% d'ici 2018. Le hic, c'est qu'une trop grande utilisation d'antibiotiques accroît la résistance de nombreuses bactéries dans la nature. Celles-ci mutent et deviennent immunisées ou presque face aux traitements. "Chaque année, 160.000 patients contractent une infection par un germe dit multi-résistant (aux antibiotiques ndlr), et près de 13.000 patients en meurent directement", s'est alarmée, la semaine dernière, la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Selon l'OMS, si rien ne bouge, la résistance aux antibiotiques risque de devenir plus meurtrière que le cancer d'ici à 2050.

>> Mais pourquoi les médecins continuent-ils d'en prescrire autant ? Europe 1 a posé la question à Claude Leicher, président de MG France, premier syndicat de généralistes.  

Comment réagissez-vous aux chiffres dévoilés par la ministre ?

"C'est une mauvaise nouvelle. Mais il y a derrière tout un faisceau d'explications. D'abord, cela correspond à l'arrivée de nouvelles épidémies ou d'épidémies sous de nouvelles formes, comme la grippe, par exemple, qui a récemment touché beaucoup plus de monde que d'habitude. Ensuite, il faut savoir que c'est en médecine vétérinaire que la surutilisation d'antibiotiques est la plus forte, suivie de la médecine d'hôpital. Ce n'est qu'en prenant en compte toutes ces raisons à la fois que l'on parviendra à réduire la consommation d'antibiotiques. Le problème c'est qu'aujourd'hui, on a trop tendance à rejeter la faute sur les médecins de ville et les généralistes. Or, beaucoup de médecins sont parfaitement conscients de l'enjeu de la résistance bactérienne".

Vous dites "beaucoup". Ils ne le sont donc pas tous…

"Il est vrai qu'il y a encore une certaine hétérogénéité dans les prescriptions d'antibiotiques. On constate par exemple qu'il y en a davantage dans le Nord que dans le Sud. Le climat peut jouer, ou la présence de davantage de personnes fragiles, comme les fumeurs par exemple. Mais parfois, il peut y avoir aussi une moindre attention de certains médecins.

Le médecin doit être davantage informé et sensibilisé. Il faut qu'il soit sûr de lui dans ses prescriptions pour éviter de prescrire des antibiotiques inutiles, par prudence. Mais il faut aussi éviter que le médecin soit confronté à trop de pression de la famille. Parfois, il se voit quasiment contraint d'en prescrire, par un parent qui doit aller travailler et demande des antibiotiques pour son enfant malade qu'il ne peut pas garder, par exemple. D'autres fois, il y a un excès de précaution".

Comment éviter cela ?

"Il faut que la société accepte d'assumer quelques risques supplémentaires pour que l'antibio-résistance diminue.  Il faut donc mener de pair la sensibilisation des médecins et des patients. La solution doit aussi passer par un bon usage des vaccins. Contre le pneumocoque, par exemple, il ne faudrait garder l'utilisation d'antibiotiques que pour les patients les plus fragiles. Le vaccin pourrait entraîner une réelle économie. La population doit bien le comprendre, l'accepter. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement une nouvelle campagne du type "les antibiotiques, ce n'est pas automatique".

Le gouvernement a promis une campagne pour 2017. Ne pouvez-vous pas, de votre côté, engager des démarches de sensibilisation dès maintenant ?

"On le fait mais il faut des moyens, financiers notamment, pour toucher le plus grand nombre de monde, réunir des médecins régulièrement etc. Je pense que le cadre de la Convention médicale est la plus appropriée. C'est là que l'on décide des textes qui vont régir les relations entre les médecins et l'Assurance maladie. Et c'est au gouvernement de fixer ce dont il faut parler ou non".