Fin de vie : l'aide à mourir bientôt encadrée par la loi, mais pour qui et selon quels critères ?
Les députés votent ce mardi à l'Assemblée nationale en première lecture deux textes concernant l’aide à mourir. Ce droit, s’il est adopté par le Parlement, serait réservé aux patients majeurs atteints d’une maladie incurable en phase avancée. Mais le flou des critères inquiète certains médecins, comme la notion de "phase terminale".
Les députés voteront mardi en première lecture sur deux textes, l'un consensuel sur les soins palliatifs, l'autre très sensible sur la création d'une aide à mourir. Plusieurs amendements doivent encore être débattus avant le vote, mais les députés ont approuvé les conditions requises pour qu'un malade puisse accéder à l'aide à mourir.
Cinq conditions cumulatives pour être éligible à "l'aide à mourir"
La proposition de loi du député Olivier Falorni crée un "droit à l'aide à mourir". Pour être éligible, le demandeur doit remplir cinq conditions cumulatives :
- Être majeur.
- Être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France.
- Présenter "une souffrance physique ou psychologique constante" qui est "soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne" lorsqu'elle a "choisi de ne pas recevoir ou d'arrêter" un traitement. Une souffrance psychologique seule "ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l'aide à mourir", précise le texte.
- Être "apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée". Une personne dont le discernement est "gravement altéré" ne peut être éligible.
- Être atteint "d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée" ou "terminale". La notion de "phase avancée" se caractérise par "l'entrée dans un processus irréversible marqué par l'aggravation de l'état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie".
La notion de "phase avancée" ou "terminale" jugée trop floue par certains soignants
Mais la notion de "phase avancée" ou "terminale" est jugée trop floue par de nombreux soignants, comme la gériatre, Sophie Moullias. "Une phase terminale ? Ça veut dire quoi ? Est-ce que la maladie est 'terminale' parce que le patient est totalement paralysé, parce qu'il a perdu la parole alors qu'il peut encore vivre plusieurs mois, parfois années ? Où est-ce qu'on considère que c'est 'terminale' parce qu'on imagine que la mort va survenir dans quelques jours ou dans quelques semaines ? Il n'y a rien d'objectivable, on ne sait pas ce que ça veut dire...", déplore-t-elle au micro d'Europe 1.
Des conditions qui permettraient l'accès au suicide assisté à des patients atteints d'un cancer, qui ont souffert d'un AVC ou après un accident de la route par exemple. La gériatre craint que des personnes à qui il resterait plusieurs années à vivre demandent à mourir.
Une procédure collégiale
La personne souhaitant une aide à mourir le demande à un médecin (elle ne peut le faire lors d'une téléconsultation). Le médecin est chargé de vérifier l'éligibilité du patient. Pour évaluer les critères, il met en place une procédure collégiale. Il organise une réunion à laquelle participe a minima un spécialiste de la pathologie, un soignant intervenant dans le traitement du malade et lui-même.
Le médecin peut également convier d'autres professionnels de santé, des auxiliaires de vie ou, par exemple, des psychologues intervenant dans le traitement de la personne. Ce collège peut aussi recueillir l'avis d'une personne de confiance désignée par le patient. La réunion se déroule en "présence physique de tous les membres", sauf "en cas d'impossibilité". Le médecin prend in fine la décision seul.
Le médecin doit notifier sa décision au patient "dans un délai de quinze jours à compter de la demande". Le texte prévoit ensuite "un délai de réflexion d'au moins deux jours" avant que le patient puisse confirmer sa demande. Si la confirmation "intervient plus de trois mois après la notification", le médecin "évalue à nouveau le caractère libre et éclairé" de la demande. Idem si la date fixée pour l'administration de la substance létale est postérieure de trois mois à la notification. Le patient peut renoncer, à tout moment, à sa demande.
Auto-administration
Pour l'administration, le demandeur est accompagné par un médecin ou un infirmier, qui peut être différent du premier médecin chargé de prescrire la substance létale. Le patient choisit le lieu et la date de l'administration de la substance létale, ainsi que les personnes qui l'entoureront le moment venu.
L'auto-administration est la règle, et l'administration par le médecin ou l'infirmier accompagnant l'exception, lorsque le patient "n'est pas en mesure physiquement d'y procéder". La Haute autorité de santé (HAS) est chargée de définir "les substances létales susceptibles d'être utilisées".
Clause de conscience et délit d'entrave
Tout médecin ou infirmier peut faire valoir une "clause de conscience" lui permettant de refuser de pratiquer l'aide à mourir. Ils doivent alors communiquer à la personne le nom de professionnels disposés à le faire. Le texte prévoit également un délit d'entrave à l'accès à l'aide à mourir, similaire à celui en place pour les interruptions volontaires de grossesse (IVG). Il est puni de deux ans de prison et 30.000 euros d'amende.