Euthanasie fin de vie 1:28
  • Copié
Pierre Herbulot, Jean-Rémi Baudot, avec AFP, édité par Mathilde Durand
L'Assemblée nationale rouvre jeudi un débat sur la fin de vie, étudiant la proposition de loi du député Olivier Falorni qui ouvre la possibilité à "une assistance médicalisée et active à mourir". Le gouvernement, divisé sur le sujet, planche lui sur un plan de renforcement des dispositifs de soins palliatifs, encore inégalement répartis sur le territoire. 
DÉCRYPTAGE

Cinq ans après la loi Claeys-Leonetti, le sujet de la fin de vie fait son retour à l'Assemblée nationale ce jeudi, via un texte porté par le député Olivier Falorni, du groupe Libertés et Territoires, pour une "fin de vie libre et choisie". Un débat qui risque de ne pas aller au bout en raison du dépôt de milliers d'amendements, dont 2.300 provenant de députés LR. La proposition de loi ouvrirait le possible recours à une "assistance médicalisée active à mourir" pour toute personne "capable et majeure, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable", ne pouvant être "apaisée" ou jugée par elle "insupportable".

26 départements sans unités de soins palliatifs 

Signe du large écho de sa cause à l'Assemblée, Olivier Falorni a reçu l'appui de quelque 270 députés de tous bords, pas loin de la majorité absolue, dans une tribune publiée par le Journal du Dimanche. Mais les parlementaires et membres du gouvernement sont divisés sur le sujet. Emmanuelle Wargon ou encore Eric Dupond-Moretti ont pris parti publiquement en faveur de la proposition de loi, quand d'autres sont plus réservés. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, affirme de son côté que la loi Claeys-Leonetti, qui prévoit une sédation profonde et continue pouvant mener à la mort mais sans euthanasie active, n'est pas assez connue ni appliquée. L'exécutif planche également sur un renforcement des dispositifs de soins palliatifs. Vingt-six départements français ne disposent en effet toujours pas d'une telle structure, soit un hôpital sur quatre.

Dans l'Allier, le Jura ou encore l'Eure-et-Loir, par exemple, il n'y a rien. Pourtant, ces unités sont essentielles dans l'accompagnement des malades, assure la docteure Anne-Claire Courau, de l'hôpital de Bourges. Dans son établissement, il n'y a pas d'unités, ni dans le département du Cher. "Au-delà de la souffrance physique, une unité de soins palliatifs va proposer une prise en charge psychique, spirituel si j'ose dire", explique-t-elle. "Je pense à une unité de soin palliatif où je travaillais : une violoncelliste pouvait venir, une socio-esthéticienne…"

"La médecine est à plusieurs vitesses lorsqu'on parle de soins palliatifs"

"Globalement, ce qu'on ressent aussi, c'est que devant la mort, les patients ont un sentiment de solitude et que c'est ce soin relationnel, presque dans un cocon, dont ils ont besoin", ajoute la soignante. L'unité la plus proche de son territoire est à une heure et demi de route.

Pour Annie Dellville, à la tête d'une association d'accompagnement des malades, cette inégalité est inacceptable. "La médecine est à plusieurs vitesses lorsqu'on parle de soins palliatifs", affirme-t-elle. "C'est une histoire de formation de médecin, d'argent inévitablement." Le gouvernement a promis un budget renforcé, plus de formation pour les professionnels soignants et un accès simplifié au Midazolam (un sédatif) dans son nouveau plan de développement des soins palliatifs.

Un plan pour améliorer l'accompagnement des malades 

Un plan copiloté par le docteur Olivier Mermet, médecin généraliste dans l'Allier, et Bruno Richard, hospitalo-universitaire. Leur mission : "améliorer les conditions d'accompagnement des personnes atteintes de maladies graves en France", assure le premier au micro d'Europe 1. Derrière les chiffres qui laissent à penser à un désert médical, le médecin généraliste rappelle l'importance d'une prise en charge adaptée à chacun. "Il ne faut peut-être pas s'arrêter au seul chiffre du nombre de départements sans unité de soins palliatifs, car dans des départements très ruraux, par exemple, quand vous êtes très loin du centre hospitalier, il est peut-être plus important encore de mettre des moyens humains pour que les médecins et les équipes de soins palliatifs puissent se déplacer au domicile".

En France, de nombreuses structures existent, rappelle Olivier Mermet. Les unités de soins palliatifs évoqués sont les lieux "les plus spécialisés", où l'accompagnement est maximal, souligne-t-il. Mais il ne faut pas oublier les équipes mobiles "qui sillonnent les services hospitaliers" et visitent directement les patients à domicile des patients pour accompagner les malades, les proches et les soignants. "Il existe aussi une autre particularité en France : les lits identifiés de soins palliatifs", explique le médecin généraliste. "Ce sont des lits qui ne sont pas fixes, mais qui sont dans les services. Ce sont des moyens supplémentaires donnés aux services pour accompagner les personnes", rappelle-t-il, pointant également l'existence d'équipe de soins palliatifs pédiatriques.

"Il faut arrêter avec cet argument de dire qu'on meurt mal en France"

Des structures variées mais encore inégalement réparties, reconnaît-t-il. "Il y a une forte inégalités territoriales quand même persistante", souligne Olivier Mermet. "Il y a beaucoup d'efforts à faire sur la formation des professionnels. Et puis, il y a aussi beaucoup d'efforts à faire sur la communication auprès des citoyens, mais aussi des soignants sur ce qu'apportent les soins palliatifs, sur la façon d'exprimer leurs volontés, notamment par le biais des directives anticipées ou de la désignation d'une personne de confiance."

"Il y a beaucoup d'efforts faits ces vingt dernières années. Il faut arrêter avec cet argument de dire qu'on meurt mal en France", poursuit le docteur Olivier Mermet. "Il y a certainement encore des situations qui sont à améliorer, il ne serait pas juste de ne pas le dire, mais c'est l'intérêt justement de ce plan que d'améliorer encore les conditions d'accompagnement des personnes."