Douleurs ponctuelles, maladies chroniques, dépression : les nouveaux espoirs de l'acupuncture

Un acupuncteur américain place une aiguille dans l'oreille d'une femme (Photo d'illustration)
Un acupuncteur américain place une aiguille dans l'oreille d'une femme (Photo d'illustration) © JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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Anouk Helft
Cette thérapie issue de la médecine traditionnelle chinoise pourrait bien devenir une alternative sérieuse à de nombreux traitements selon de récentes études.

Le point commun entre la chanteuse Mariah Carey, l'actrice Jennifer Anniston et le basketteur Shabazz Muhammad ? Tous sont des adeptes de l'acupuncture, l'une des cinq branches de la Médecine traditionnelle chinoise (MTC).

Cette pratique, dont le mot est composé des termes latins "acus" et "punctura", signifiant respectivement "aiguille" et "piqûre", nous vient (au moins) de l'Antiquité. Elle consiste à stimuler des zones précises de l'épiderme - au moyen d'aiguilles - afin de soulager des douleurs de tout type.

A ce jour, l'acupuncture est considérée comme une "médecine douce", dont les effets thérapeutiques réels restent sujets à controverse. Cependant, les études scientifiques à son sujet se multiplient et semblent peu à peu démontrer son efficience médicale. Antidouleurs, antibiotiques, antidépresseurs… Les effets espérés sont légions. Europe 1 fait le point.  

Des travaux scientifiques de plus en plus nombreux...

Des chercheurs australiens de l'Institut royal de technologie de Melbourne (RMIT) se sont ainsi intéresses au traitement de la douleur dans les services d'urgence. Leurs expériences, dont les résultats ont récemment été publiés dans la revue Medical Journal of Australia, les ont amenés à analyser la prise en charge de 528 patients admis au cours de l'année 2011.

L'étude, menée dans quatre hôpitaux de Melbourne, est la plus vaste réalisée à ce jour sur le sujet de l'acupuncture. Les patients participant avaient été admis aux urgences pour des douleurs aiguës dans le bas du dos, des migraines ou des entorses de la cheville. Après avoir évalué leur douleur sur une échelle de un à dix, les patients ont reçu l'un des trois traitements suivants : acupuncture seule, acupuncture accompagnée de médicaments antidouleurs ou antidouleurs seuls. 

Les résultats ont été parlants : après 48 heures de traitement, 82.8 % des patients ayant eu recours à l'acupuncture seule ont déclaré qu'ils réitéreraient le traitement, dont ils étaient "satisfaits". Les sujets ayant bénéficié du traitement combinant acupuncture et antidouleurs étaient pour leur part 80.8 % à se dire satisfaits. 78.2 % des individus ayant eu uniquement des antidouleurs se disaient satisfaits.

" L'acupuncture procure aux patients une sensation d'anesthésie comparable à celle induite par la pharmacothérapie "

Pour les auteurs de l'étude, ces données démontrent l'efficacité de l’acupuncture contre la douleur, notamment par rapport aux médicaments généralement administrés aux patients dans les services d'urgence. Selon les chercheurs, "la souffrance y reste très mal appréhendée". Dans leur article, ils soulignent notamment que "l'acupuncture procure aux patients victimes d'une douleur dans le dos ou à la cheville une sensation d'anesthésie comparable à celle induite par la pharmacothérapie".

Par ailleurs, selon une autre étude parue au mois de janvier dans la revue britannique Programme Grants for Applied Research, l’acupuncture associée à des traitements médicamenteux serait aussi plus efficace que les traitements seuls pour soulager les souffrances chroniques.

Afin d'arriver à cette conclusion, des chercheurs de l'Université de York au Royaume-Uni ont compilé et analysé les résultats de 29 études concernant pas moins de 18.000 individus souffrant de douleurs dans le bas du dos, à la tête ou encore au cou. 

Dans la majorité des études, les patients étaient divisés en deux groupes. Un groupe recevait uniquement un traitement médicamenteux ou kinésithérapique. L'autre groupe bénéficiait du même traitement ainsi que de séances d'acupuncture. Les différents travaux ont montré que l'ajout de l'acupuncture permettait systématiquement de diminuer le nombre et l'intensité des pics de douleur. Par ailleurs, les patients étaient moins dépendants des traitements anti-inflammatoires et pouvaient moduler leur traitement selon leurs besoins. 

Si elle semble efficace face aux douleurs chroniques et physiques, l'acupuncture pourrait bien être également un remède aux souffrances psychiques sur la durée. En effet, l'un des essais retenus par les chercheurs de l'Université de York concernait le suivi de 755 patients atteints de dépression. Grâce à une analyse des symptômes des patients sur plus d’un an, les scientifiques avaient constaté qu'une prise en charge mêlant séances psychologiques et acupuncture était plus efficace que la simple administration d’antidépresseurs. 

... Mais, beaucoup de ces conclusions restent à nuancer

Mais pour certains professionnels de la santé, les bienfaits de l’acupuncture restent largement à prouver. Dans Médecines douces : info ou intox ?, livre paru en 2014, les britanniques Simon Singh et Edzard Ernst, respectivement journaliste et médecin, le rappellent : "Il n'y a aucune preuve de l'existence du Qi ou des méridiens" ! Le terme "Qi" (en français, "souffle") désigne un courant censé parcourir le corps humain. Selon les adeptes de l'acupuncture, le Qi circule entre chaque partie de notre anatomie tout en faisant le lien entre l'entité physique qu’est le corps et le psychisme. C’est en corrigeant la trajectoire du Qi, troublée lorsque le patient est malade, que les acupuncteurs sont censés guérir. Les méridiens, quant à eux, correspondent aux points d'acupuncture où les aiguilles sont enfoncées. Ils sont considérés comme reliés à six organes : le poumon, le gros intestin, l'estomac, la rate, le cœur et l'intestin grêle. Toute l’acupuncture est basée là-dessus. Mais il n'y a aucune preuve scientifique de leur existence. 

Au-delà de ces considérations techniques, l'acupuncture ne pourrait être qu'un effet placebo, selon certains experts. En d’autres termes, il s’agirait d’une pratique ayant uniquement des effets psychologiques sur le patient. En 2006, une étude publiée dans la revue américaine Annals of Internal Medicine a tenté de vérifier cette hypothèse. Pour cela, les auteurs de l'étude, chercheurs à l'Université de Heidelberg en Allemagne, ont réalisé des expériences impliquant 1007 patients souffrant d'arthroses sévères au genou. Les participants étaient traités par 320 acupuncteurs dotés d'au moins deux ans d'expérience. 

" Il impossible de dire aujourd'hui si l'acupuncture, quelle que soit l'indication, est efficace "

Les patients étaient divisés en trois groupes : le premier bénéficiait de dix séances d'acupuncture. Le deuxième expérimentait quant à lui dix séances d’acupuncture simulée, durant lesquelles les aiguilles étaient plantées au hasard, en dehors des points de tension traditionnels. Le troisième groupe bénéficiait pour sa part de seulement dix visites chez un médecin spécialiste de l'arthrose. Au terme des dix séances et visites, les scientifiques ont noté une amélioration chez 53 % des patients du groupe acupuncture. Mais, chez les patients du deuxième groupe, ils ont également remarqué une amélioration... chez 51 % des participants ! Enfin, parmi les sujets du troisième groupe, ils ont observé une amélioration de seulement 29 %. 

Les auteurs en ont conclu que l'absence de différence entre vraie et fausse acupuncture pouvait être due à une effet placebo des aiguilles, dont le lieu d'implantation n'importait finalement pas.  En 2014, un rapport de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) résumait : "l'acupuncture peut offrir un complément intéressant dans le cadre d'une prise en charge plus globale de la maladie, en particulier lorsque la médecine traditionnelle n'est pas en mesure d'apporter un soulagement satisfaisant aux patients. " Cependant, les experts ajoutaient qu'il est "impossible de dire aujourd'hui si l'acupuncture, quelle que soit l'indication, est plus efficace quand elle est réalisée dans les règles de l'art ou quand elle est réalisée dans des zones de piqûre aléatoires. "