Retraites : «Emmanuel Macron doit absolument changer sa manière de présider», affirme Nicolas Baverez

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Alexandre Dalifard , modifié à
Le 14 avril prochain, le Conseil constitutionnel prendra sa décision concernant le projet de loi sur la réforme des retraites. Une décision très attendue par les Français et qui pourrait diviser encore un peu plus le pays. Pour l'économiste Nicolas Baverez, "la France n'a pas connu un tel empilement de crises depuis la guerre d'Algérie".

La France vit-elle une crise démocratique ? Alors que la réforme des retraites est entre les mains du Conseil constitutionnel, qui prendra sa décision le 14 avril prochain au lendemain de la douzième journée de mobilisation, l'Hexagone semble plus que divisé. Invité dans Europe 1 Matin, l'économiste et avocat Nicolas Baverez revient, au micro de Sonia Mabrouk, sur la période que vit actuellement la France, marquée par les contestations et les violences.

"Un degré de défiance rarement atteint"

"Le Conseil constitutionnel va aussi se prononcer sur autre chose, qui est le référendum d'initiative partagée. Et s'il donne son feu vert, cela veut dire qu'on va vivre avec les retraites jusqu'aux Jeux olympiques, ce qui ne va pas être un chemin pavé de roses", souligne l'économiste. D'autant qu'il y a maintenant une crise sociale avec l'ensemble des forces syndicales opposées au président de la République. De plus, pour Nicolas Baverez, la France connaît une crise politique appelée aussi crise démocratique. "Quand on regarde l'attitude des Français, des citoyens vis-à-vis des institutions et des dirigeants, il y a un degré de défiance qu'on a rarement atteint. Et c'est ça une crise démocratique. Quand la défiance s'installe, c'est là que la liberté ou la République peuvent être menacées", avertit l'avocat au micro de Sonia Mabrouk.

La décision du Conseil constitutionnel risque d'avoir un impact et un retentissement important. Mais concrètement, celle-ci aura une double dimension, elle sera à la fois juridique et politique. "Toutes les cours suprêmes font à la fois du droit et de la politique. Donc évidemment, on aura cette double dimension. C'est-à-dire que la mission du Conseil constitutionnel est de juger la loi par rapport à la Constitution. Mais les juges suprêmes le font toujours en fonction d'un état de l'opinion", admet Nicolas Baverez.

Une réforme plus dure à la sortie ?

En revanche, les Français risquent de se retrouver avec une réforme plus dure à la sortie de la décision du Conseil constitutionnel. "Comme c'est une procédure budgétaire, il faut être clair, les mesures les plus légitimes, ce sont celles qui rapportent de l'argent. Il est vrai que ça ramène le texte à sa dimension purement financière", reconnaît l'économiste. Pour lui, en choisissant un texte budgétaire, il y a un risque que le Conseil constitutionnel annule un certain nombre de mesures d'accompagnement pour faire passer des contreparties sociales ou financières.

Un empilement de crises

Ces dernières semaines, la France est marquée par la révolte des citoyens et une multiplication de la violence dans les cortèges. Mais concrètement, le pays a-t-il déjà connu une telle crise ? Pour Nicolas Baverez, historien, "l'Hexagone n'a pas connu un tel empilement de crises depuis la guerre d'Algérie". "On a une crise énergétique, une crise alimentaire, une crise monétaire, un début de crise bancaire puis une crise stratégique majeure avec la Russie qui est devenue une menace existentielle", déplore-t-il. Il précise que les dirigeants français font affaire à un faisceau de crises rarement connu. "Il faut reconnaître qu'Emmanuel Macron, depuis qu'il a été élu président de la République, a toujours eu un rapport difficile et peu efficace avec les fonctions régaliennes. Et, par ailleurs, à chaque fois qu'il y a une crise, comme la première avec l'affaire Benalla, il y a une vraie difficulté à la gérer", affirme Nicolas Baverez dans Europe 1 Matin.

Cependant, si Emmanuel Macron décide de céder et d'écouter une importante partie des Français, l'Europe et le reste du monde pourrait penser que le quinquennat du président est terminé. "Ce qu'il faut, c'est trouver une voix de sortie par le haut. Le président doit absolument changer l'état d'esprit de sa manière de présider et notamment cette centralisation, cette verticalité qui ne fonctionne pas et qui n'a jamais fonctionné", conclut-il.