Présidentielle : les parrainages, un filtre de mauvaise qualité mais qui a fonctionné

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Nicolas Beytout
Selon le dernier décompte publié mardi par le Conseil constitutionnel, Marine Le Pen et Éric Zemmour ont obtenu les 500 parrainages d'élus nécessaires pour se présenter à l'élection présidentielle, ainsi que le candidat souverainiste Nicolas Dupont-Aignan. Mercredi l'éditorialiste politique Nicolas Beytout revient sur ce système et donne son analyse.
EDITO

Avec la publication mardi de la liste des parrainages par le Conseil Constitutionnel, on connaît presque à coup sûr le nombre des candidats à la présidentielle. Ce mercredi sur Europe 1, l'éditorialiste politique Nicolas Beytout revient sur ce système vivement critiqué ces derniers mois, et dresse le bilan.

11 candidats à coup sûr

"Ils seront 11, en comptant bien sûr Emmanuel Macron, qui pourrait se déclarer jeudi, et en comptant aussi les derniers arrivant, Marine Le Pen, Eric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan, qui passent presque in extremis la barre des 500 parrainages. Les 2 premiers pourraient même avoir bouclé leur petit pécule seuls, sans avoir recours aux signatures placées dans le coffre des Établissements Bayrou & Co, banque de parrainages certifiés en tous genres. Reste à savoir ce que le leader du MoDem va faire des signatures qui lui ont été confiées et qu’il aurait encore en réserve : à qui va-t-il les donner ? Va-t-il les oublier dans les sous-sols de sa banque ?

Son initiative pour contrer le barrage des parrainages laisse un goût amer à toute personne qui pense que, au-delà des bons sentiments, la démocratie a besoin de règles transparentes. En tout cas, avec 11 candidats, ce cru 2022 de l’élection des 10 et 24 avril sera pile dans la moyenne des quatre précédents scrutins présidentiels de la Ve République. On peut même dire que depuis l’élection de Valéry Giscard d’Estaing en 1974, c’est toujours à peu près le même nombre de candidats qui passent l’épreuve des parrainages. La seule exception, elle s’est produite en 2002 : il y avait 16 candidats, ce qui avait provoqué un éparpillement fou des électeurs et la chute de Lionel Jospin et du Parti socialiste.

Une diversité politique maintenue

Oui, mais avec une cartographie qui a beaucoup évolué en quelques années. Il y a maintenant trois grands blocs politiques : un bloc central, évidemment représenté par Emmanuel Macron qui domine seul cet espace. Il y a un bloc des oppositions dites de gouvernement, c’est-à-dire aussi bien la droite républicaine que ce qu’il reste de la gauche gestionnaire - on y trouve ceux qui se rangent derrière Valérie Pécresse, et les soutiens d’Anne Hidalgo. Et puis, troisième bloc, celui qui rassemble la gauche et la droite de protestation, de Jean-Luc Mélenchon à Eric Zemmour en passant par Fabien Roussel et Marine Le Pen ou Nicolas Dupont-Aignan. Reste le cas de Yannick Jadot qui, personnellement, frappe à la porte des gestionnaires mais représente plutôt une force politique protestataire.

Cette fois, il n’y aura (presque) pas de petit candidat

On garde quand même Jean Lassalle qui avait réuni moins de 1% des inscrits en 2017. Mais en effet, les habitués des scores microscopiques comme Philippe Poutou pour l’extrême-gauche et Christiane Taubira pour l’extrême-on-ne-sait-trop-quoi ne seront pas là : pas assez de parrainages. Disparus aussi les François Asselineau, les Jacques Cheminade, ou encore Marcel Barbu, Emile Muller, Gérard Schivardi, du Parti des Travailleurs, tous des candidats qui ont fait en leur temps au mieux 100.000 voix. C’est-à-dire en général moins de 0,2% des électeurs inscrits. Je ne dis pas que leur combat était négligeable, mais leur score l’était. Proscrire l’accès au scrutin présidentiel pour des candidats de cette envergure est donc compréhensible.

Le système des parrainages n’est pas forcément le meilleur, mais reconnaissons que, malgré ce fonctionnement chaotique, il a rempli sa fonction de filtre. Il faudra faire évoluer ce mode de sélection, mais en gardant certainement une étape de validation des candidatures par ce premier échelon de la démocratie vivante que sont les maires. Leur validation, d’une façon ou d’une autre, est déterminante.

J’ai retrouvé, dans les archives de l’INA, la première vidéo de campagne de Guy Héraud -vous ne le connaissez pas, il était candidat en 1974. Pourquoi lui ? Parce qu’il a réalisé le plus petit score historique à une présidentielle : 20.000 voix. Il n’empêche, ses premiers mots de la campagne avaient été pour remercier les maires qui avaient parrainé sa candidature. Après, on ne sait pas s’il a écrit aussi un mot de remerciements à tous ses électeurs. Vu leur nombre, c’était faisable…"