Place de la République, les soutiens de Hamon n'y croient plus vraiment

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Thibaud Le Meneec , modifié à
Mercredi, Benoît Hamon a organisé un dernier grand meeting place de la République, à Paris. Mais dans le public, beaucoup de soutiens, lucides, pensent déjà à l'après.
REPORTAGE

"Vous voulez que je vous dise ? J’ai l’impression qu’on va perdre." Drapeaux à l’effigie de Benoît Hamon à la main, Nicolas fustige "les guerres d’egos du Parti socialiste", le discours de Bercy, "trop intellectuel", et plus globalement la campagne manquée de celui pour qui il avait voté à la primaire de janvier, au résultat "inouï". À quelques dizaines de mètres de lui, le candidat socialiste jette ses dernières forces dans une bataille que le militant voit inévitablement se solder par une défaite dimanche soir.

"Dommage qu'il n'y ait pas eu de fusion". En cette fraîche soirée de printemps, Nicolas, responsable de parcs âgé de 51 ans, hésite encore à glisser le bulletin Hamon dans l’urne. "Il y a aussi Mélenchon qui est sorti de son gauchisme. C'est d'ailleurs dommage qu'il n'y ait pas eu de fusion entre eux..." Parmi les 20.000 spectateurs annoncés par l'organisation, les indécis comme Nicolas sont rares. Ici, on trouve essentiellement des convaincus par le socialiste, qui n'envisagent pas de voter pour un autre candidat dimanche, malgré les enquêtes d'opinion qui le placent désormais systématiquement sous les 10%. D'ailleurs, ces chiffres, Fata ne les écoute plus : "La dynamique, ça va et ça vient. Les sondages disent qu'il chute, mais en une journée tout est possible. Et c'est comme un match de foot, il n'a rien à perdre !"

" Pour 2017, c'est un peu foutu "

"Le premier tour, c'est pour les convictions !" Mais ce francilien de 67 ans, venu avec sa femme Saba, en veut avant tout au vote utile, qui voudrait que les électeurs de Benoît Hamon choisissent Jean-Luc Mélenchon ou Emmanuel Macron au premier tour pour éviter un duel entre François Fillon et Marine Le Pen au second. "Mon fils aîné a voulu voter utile au premier tour. Je lui ai dit : 'non, au premier tour, tu votes pour tes convictions !'. Il devrait le dire, Benoît Hamon !" Le candidat l'a visiblement écouté : dans un discours d'un peu plus d'une heure, le député des Yvelines a réservé l'essentiel de ses critiques envers ses adversaires à gauche, refusant d'appeler ses électeurs au vote utile. "D'ailleurs, je déteste ce mot", a-t-il appuyé.

"Mauvaise campagne pour les gens qui attendent du buzz". Pourtant, son public ne paraît guère convaincu par sa capacité à déjouer tous les pronostics en quelques jours. Comment expliquer cette ambiance qui sonne faux place de la République, où Jean-Luc Mélenchon avait réuni plus de 130.000 personnes selon ses équipes il y a tout juste un mois ? "Il a fait une mauvaise campagne pour des gens qui attendent du buzz et des punchlines. Il est resté fidèle à lui-même, c'est un atout et un défaut", explique Ambroise, 27 ans, content malgré tout qu'un nouveau PS ait émergé avec la victoire de l'ancien ministre à la primaire. Pour Gaétan, militant socialiste de 21 ans, l'attitude de Solférino a joué dans le mauvais virage qu'a pris la campagne du socialiste : "Il n'y a pas eu d'unité officielle ni officieuse. C'est dommage mais c'est compréhensible du point de vue des inimitiés entre les frondeurs et les partisans de Manuel Valls. Et il porte aussi le bilan du quinquennat", estime cet étudiant à Sciences Po.

"Elle va peut-être changer d'avis..." Tout au fond de la place, là où les skateurs sont presque plus nombreux que les militants, Malo et Lola enchaînent les selfies. Ce couple de jeunes étudiants est partagé : lui votera "sans hésiter" pour Jean-Luc Mélenchon, elle a choisi Benoît Hamon mais confie avoir un "doute". "Jean-Luc Mélenchon est très haut, il y a aussi le vote utile", indique-t-elle, alors que Malo ironise à voix basse : "Je suis en négociations, elle va peut-être changer d'avis..." Raté. Car Lola en est certaine : après ce rassemblement place de la République, où elle s'attendait "à beaucoup moins de monde", elle votera Hamon dimanche.

Tous le confient : s'il n'ont guère d'illusions pour la victoire le 7 mai, l'enjeu est ailleurs. "Ca ne va pas s'arrêter dimanche", assure Gaétan qui se dit "qu'il ne faut pas être pessimiste." Ambroise l'a entendu : "Pour 2017, c'est un peu foutu. Mais qui sait ce qui va se passer derrière ?" Le soleil se couche doucement sur la place de la République. Blasé, Nicolas ne peut s'empêcher de faire un constat amer : "On avait tout pour gagner, mais on va perdre. Peut-être qu'en 2022..."