Patrick Stefanini 2:07
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Mathilde Durand
Jeudi marque le début d'une mobilisation qui se veut "massive" et "illimitée" contre la réforme des retraites. La comparaison avec la grève massive de 1995 a souvent été faite. Patrick Stefanini était directeur-adjoint du cabinet d'Alain Juppé, Premier ministre à l'époque. Il raconte ses souvenirs au micro d'Europe 1.
INTERVIEW

Jeudi se présente comme une journée de mobilisation massive contre la réforme des retraites. Les transports en commun sont lourdement perturbés et 245 cortèges sont prévus partout en France. Un mouvement "illimité et très suivi" qui pourrait rappeler la grève massive de 1995, contre le plan Juppé. L'ancien directeur de campagne de François Fillon, Patrick Stefanini était à l'époque directeur-adjoint du cabinet d'Alain Juppé, à Matignon. Il se souvient sur Europe 1 de l'état d'esprit général le matin d'une mobilisation sociale annoncée.

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"On ressent alors une grande crispation. C'est une chose de gouverner, de proposer des projets loi, des décrets, de se concerter au fil des semaines avec partenaires sociaux. Mais c'est une autre chose de les affronter. On se demande si il ne va pas y avoir des troubles à l'ordre public et si la manifestation ne va pas dégénérer. Mais on se demande aussi si on ne va pas se faire emporter par la vague."

Trois semaines de mobilisation en 1995

A l'époque, au cœur de l'exécutif, il est surpris par l'ampleur de la mobilisation. "Alain Juppé avait, avec toute son équipe, bien préparé la réforme. Sa présentation au Parlement le 15 novembre avait été un succès, applaudi par beaucoup de députés, y compris certains qui n'étaient pas dans la majorité", se souvient Patrick Stefanini. "Mais il avait fait le choix dans la dernière ligne droite de rajouter la réforme des régimes sociaux. Cette annonce n'avait pas donné lieu à une véritable concertation et nous n'avons pas vu se lever la vague contestataire extrêmement puissante." 

En 1995, deux millions de personnes sont dans la rue et la mobilisation dure trois semaines, avant que le gouvernement recule. "Avec le recul, c'est un peu surréaliste", se souvient Patrick Stefanini. "Quand vous ne parvenez pas à garder le fil du dialogue social, c'est très compliqué."

Sur la situation actuelle, Patrick Stefanini se dit plutôt pessimiste quant à l'avenir de la réforme des retraites version 2019. "Elle paraît mal embarquée, non pas qu'elle n'ait pas le soutien de l’opinion publique. Mais elle est adossée à une réforme plus complexe qui n'est pas comprise par les Français. Les concitoyens sont stupéfaits de constater qu'après un an et demi de concertations, dans la dernière ligne droite, on découvre des problèmes que l'on pensait résolus, au moins intellectuellement."

Édouard Philippe est-il en danger ?

Edouard Philippe est en première ligne de cette réforme des retraites, mais ne risque pas nécessairement son poste, selon l'ancien directeur de cabinet. "Si on veut faire la comparaison avec 1995, je peux dire que dans les deux cas, le Premier ministre était attendu au tournant". Avant de nuancer le risque : "En 1995, Chirac n'avait aucune envie de sacrifier Alain Juppé. Il a préféré sacrifier la réforme et renoncer à la suppression des régimes spéciaux. Nous verrons dans les jours qui viennent ce qu'il se passera." 

Cependant, il ne faut pas écarter le risque que la reforme s'enlise. "Ce serait un véritable échec politique, et peut-être le premier d'Emmanuel Macron depuis le début du quinquennat", pointe Patrick Stefanini. "La différence avec 1995, c'est que les gilets jaunes sont toujours là. Les racines de leur mécontentement sont présentes. La question que pose ce mouvement social c'est de savoir s'il y aura une conjonction des luttes, auquel cas la situation du Premier ministre peut devenir difficile."