Loi immigration : Laurent Fabius trouve «très préoccupante» la «remise en cause des institutions»

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avec AFP // Crédit photo : AFP , modifié à
Laurent Fabius sort du silence. Interrogé sur France 5, le président du Conseil constitutionnel a jugé "très préoccupante" la remise en cause des institutions suite à la décision des Sages de censurer 40% du texte de la loi immigration : "Dire que c'est un coup d'État, non seulement c'est faux, mais c'est une remise en cause des institutions". 

La droite est partie en guerre vendredi contre le Conseil constitutionnel, accusé de "coup d'État" pour avoir censuré une grande partie de la loi immigration. Une remise en cause "très préoccupante" des institutions, a réagi le président de l'institution Laurent Fabius, mettant en avant une décision purement "juridique". Possible candidat des Républicains (LR) à la présidentielle de 2027, Laurent Wauquiez a sonné la charge quelques heures après la décision des Sages, en dénonçant "un coup d'État de droit".

"La Constitution, c'est ce qui nous tient ensemble"

"Non seulement c'est faux, mais d'une certaine manière, c'est une remise en cause des institutions. Et donc je trouve ça très préoccupant", a critiqué Laurent Fabius sur France 5 vendredi soir. Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a même proposé que le Parlement puisse avoir "le dernier mot", après le Conseil constitutionnel. "C'est ce qu'un gouvernement a voulu faire en Israël", a souligné Laurent Fabius en référence à une tentative de réforme de Benjamin Netanyahu, invalidée par la Cour suprême. "La Constitution, étymologiquement, c'est ce qui nous tient ensemble", a-t-il insisté.

Durcissement de l'accès aux prestations sociales pour les étrangers, quotas migratoires annuels, resserrement des critères du regroupement familial, "caution retour" pour les étudiants étrangers...: la plupart des mesures annulées jeudi par le Conseil constitutionnel avaient été adoptées sous la pression de la droite, majoritaire au Sénat et avec l'appui de l'extrême droite. Dans le sillage de Laurent Wauquiez, le président des Républicains Éric Ciotti a vilipendé "un hold-up démocratique" et accusé Laurent Fabius de "collusion" avec Emmanuel Macron contre la "volonté du peuple français qui veut moins d'immigration".

 

Les attaques de la droite - et de l'extrême droite, Jordan Bardella (RN) parlant de "coup d'État des juges"- ont été dénoncées par le reste de l'échiquier politique. "Difficile ensuite de se réclamer d'une culture de gouvernement", a relevé l'ex-ministre de l'Industrie Roland Lescure sur X. "Les Républicains ne sont plus ni républicains ni même gaullistes", a dénoncé le socialiste Olivier Faure. Seule voix discordante à LR, Xavier Bertrand, concurrent potentiel de Laurent Wauquiez pour 2027, s'est dit lui aussi "en profond désaccord". "Quand les responsables politiques chauffent tout le monde à blanc, vous risquez d'avoir une fin de mandat qui pourrait ressembler à celle de Trump", a-t-il prévenu.

L'exécutif "ne représentera pas de projet de loi" sur le sujet

Triomphantes après l'adoption de la loi en décembre, la droite et l'extrême droite sont d'autant plus furieuses que le Conseil a censuré seulement trois articles sur le fond et 32 autres au motif qu'ils n'avaient pas leur place dans le périmètre de ce texte. "Comment oser prétendre qu'il n'y a aucun lien entre l'immigration et le regroupement familial ?", s'est indigné le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau.

Cette jurisprudence, à propos d'amendements retoqués, car jugés sans lien direct ou indirect avec le texte initial, "remonte à plusieurs dizaines d'années", a défendu Laurent Fabius. LR et RN espéraient que le Conseil annule certaines mesures sur le fond afin de justifier la nécessité d'une révision constitutionnelle pour modifier la politique migratoire. Rien n'empêche désormais le Parlement de voter à nouveau en bonne et due forme ces mesures controversées et "à ce moment-là, nous dirons ce que nous en pensons sur le fond", a fait remarquer Laurent Fabius.

Le président du Sénat Gérard Larcher a d'ailleurs exhorté le gouvernement à "redéposer un texte conforme à l'accord" entre LR et la majorité. Mais Gérald Darmanin a pris les devants, assurant que l'exécutif "ne représentera pas de projet de loi" sur le sujet. De son côté, le coordinateur de LFI Manuel Bompard a demandé le retrait de la loi, jugeant que "le texte validé par le Conseil constitutionnel correspond au texte rejeté par l'Assemblée" et n'a donc "aucune légitimité".

Le chef de l'État devrait promulguer la loi samedi et le ministre de l'Intérieur a convoqué les préfets dès ce vendredi pour leur donner ses premières instructions en matière de contrôles, d'expulsions et de régularisations. Le texte final conserve la structure initialement souhaitée par le gouvernement, avec un large volet de simplification des procédures pour expulser les étrangers délinquants.