Le dilemme de Nicolas Hulot

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Nicolas Hulot n'a pas encore répondu à la proposition de François Hollande de prendre en main un "super-ministère" de l'Ecologie. © MICHEL EULER / POOL / AFP
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Le leader écologiste s’est vu proposer par François Hollande un "super-ministère" de l’Ecologie. L’ancien animateur hésite, et il a de bonnes raisons pour cela.

Ce n’est plus un secret pour personne : François Hollande veut faire renter Nicolas Hulot au gouvernement. Selon les informations d’Europe 1, le président de la République est allé jusqu’à  proposer à son ancien conseiller un "super-ministère" de l’Ecologie aux prérogatives très larges, ainsi que le statut envié de ministre d’Etat. L’offre est alléchante, au point que l’ancien animateur télé hésite, lui qui dans un premier temps avait fermement refusé d’être du remaniement annoncé pour la mi-février. Certains arguments pourraient le convaincre, d’autres au contraire plaident pour un refus. Europe1.fr fait l’inventaire.

  • Pourquoi il pourrait accepter

Pour faire avancer certains dossiers. Face à un François Hollande semble-t-il prêt à tout pour l’attirer dans ses filets, Nicolas Hulot pourrait avoir la garantie de l’emporter sur certains dossiers sensibles et qui tiennent à cœur aux écologistes. Le cas le plus emblématique est sans doute celui de l’aéroport de Notre-Dame des Landes. "Nous n'avons pas encore intégré qu'il y a des projets auxquels il va falloir renoncer", disait-il le 9 janvier dans Le Monde sur ce sujet. On le voit donc mal accepter d’entrer au gouvernement dans l’assurance que le projet serait enterré. Si c’était le cas, ce serait une immense victoire pour l’ancien animateur, alors que Manuel Valls a affirmé à plusieurs reprises, dont la dernière fois mi-décembre, que l’infrastructure sortirait de terre.

Sur d’autres dossiers, Nicolas Hulot pourrait obtenir un arbitrage favorable du président de la République face au Premier ministre. Le rejet des boues rouges en Méditerranée par exemple, à nouveau autorisé, selon Ségolène Royal, par Manuel Valls fin décembre. Le leader écologiste a plusieurs fois dit son opposition à cette pollution aux métaux toxiques, contenant notamment de l'arsenic, du fer et de l'aluminium.

 

Par ailleurs, Nicolas Hulot pourrait faire bouger les choses sur l’exploitation du gaz de schiste, dont le moratoire doit prendre fin en octobre 2017, ou sur l’accélération de la baisse de la part du nucléaire dans la production d’électricité en France. Alors, Nicolas Hulot au gouvernement ? "Pourquoi pas s’il arrive à obtenir des ruptures dans les politiques menées", a répondu l’eurodéputé écologiste Yannick Jadot jeudi matin sur France Info.

François de Rugy, l’ancien président du groupe écologiste à l’Assemblée, s’est lui montré enthousiaste sur Twitter :

Il connaît bien ses interlocuteurs potentiels. S’il entrait au gouvernement, Nicolas Hulot ne pénètrerait pas en terre inconnue. L’ancien animateur a été pendant trois ans le conseiller spécial de François Hollande sur les questions écologiques. Nommé en janvier 2013, il a largement eu le temps de prendre ses marques et d’apprivoiser le fonctionnement des arcanes du pouvoir. Il a ainsi grandement contribué à la mise en place de la COP21, la grande conférence l’ONU sur le climat organisé en décembre dernier à Paris. Bref, il connaît bien ses interlocuteurs potentiels, qui eux aussi ont appris à le connaître. Il pourrait donc être efficace tout de suite.

Pour enfin concrétiser son engagement politique. Nicolas Hulot et la politique, c’est d’abord l’histoire d’une tergiversation permanente. Souvent, l’ancien animateur télé a hésité à se lancer dans le grand bain. Souvent, il a renoncé. En 2007, déjà très populaire, il avait été pressé de se lancer dans la course à l’Elysée. Il s’était finalement contenté, se plaçant au-dessus des partis, de faire signer à tous les candidats un Pacte écologique qui ne les engageait finalement pas à grand-chose. En 2011, là encore moult après hésitations, il s’était lancé dans la primaire écologiste, mais peu au fait des pratiques politiques, il avait été battu  par Eva Joly. Avant finalement de voter pour Jean-Luc Mélenchon.

Outre la présidentielle, Nicolas Hulot a déjà eu l’occasion d’entrer au gouvernement. Il a ainsi décliné les propositions de Jacques Chirac en 2002 et de Nicolas Sarkozy en 2007. Bref, l’ancien animateur d’Ushuaïa, si exposé à la télévision, refuse de l’être en politique. S’il veut réellement peser sur les affaires du pays, il va bien falloir qu’il ose un jour se lancer. Il en a, là, l’occasion.

  • Pourquoi il pourrait refuser

Un an, c’est trop court. Entrer  au gouvernement à un an d’une présidentielle, est-ce bien raisonnable ? Pour agir efficacement, le délai semble bien court. "C'est tard", a tranché Daniel Cohn-Bendit sur Europe 1 jeudi matin. "Qu'est-ce qu'un ministre peut faire en un an ?" Alors que les dossiers ne manquent pas, et même s’il obtient la garantie de François Hollande, Nicolas Hulot n’aura vraisemblablement pas le temps d’agir concrètement.

En outre, le grand rendez-vous écologiste du quinquennat, la COP21, est passé. Les priorités gouvernementales du moment sont désormais la lutte contre le terrorisme et l’inversion de la courbe du chômage. Passé l’effet d’annonce de la création d’un éventuel super-ministère de l’Ecologie, le thème risque fort de repasser au second plan. Et le passage de Nicolas Hulot au gouvernement se solder par un échec cinglant, qui compromettrait son avenir politique.

Il risque de se griller pour 2017. Or, Nicolas Hulot envisage sérieusement de se présenter à la présidentielle de 2017. En passant par le filtre dangereux d’une primaire? "La réponse est non", a-t-il affirmé le 28 janvier sur France Inter. "L'enjeu que je porte est suprapolitique. Et pour moi, il n'y a pas un protocole de gauche ou un protocole de droite. Et je pense que nous avons besoin de nous rassembler au-delà des clivages", a-t-il encore lancé, ne fermant pas la porte, au contraire, à une candidature. Mais s’il participe au prochain gouvernement, il deviendra très difficile pour lui de postuler à la fonction suprême, surtout si François Hollande est candidat à sa réélection.

En outre, en entrant dans un exécutif peu apprécié des français, Nicolas Hulot pourrait perdre l’un de ses principaux atouts : sa popularité. Dans un récent sondage Ifop pour le JDD, il arrivait ainsi en tête des personnalités que les personnes interrogées souhaitent voir jouer un rôle politique à l’avenir, avec 50% de réponses positives. Pas sûr que l’ancien animateur ait envie de voir ce capital sympathie fondre comme la banquise face au réchauffement climatique.

Parce qu’il ne serait qu’une prise de guerre. Cette popularité, d’ailleurs, explique en grande partie l’insistance de François Hollande à son endroit. Le très impopulaire chef de l’Etat a tout à gagner à faire entrer Nicolas Hulot au gouvernement. Si ce dernier acceptait, il serait accusé de faire le jeu du président de la République sur la base d’un simple calcul politicien. L’opposition ne se priverait alors pas de le critiquer vertement pas ce biais.