Le bureau de l'Assemblée nationale a demandé une exclusion de 15 jours du député RN Grégoire de Fournas. 2:35
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avec AFP , modifié à
Le bureau de l'Assemblée nationale a demandé ce vendredi une exclusion de 15 jours pour le député du RN Grégoire de Fournas qui avait interrompu la prise de parole d'un élu LFI en criant "Qu'il rentre en Afrique" avant de s'expliquer sur le sens de ses propos. Une sanction votée par les députés quelques instants plus tard.

"Qu'il retourne en Afrique": après la vague d'indignation suscitée par des propos jugés racistes du député RN Grégoire de Fournas, l'Assemblée nationale a voté vendredi son exclusion pour 15 jours, la plus lourde sanction disciplinaire possible. Les députés ont validé dans l'hémicycle cette "censure avec exclusion" proposée par le bureau de l'Assemblée, sa plus haute instance collégiale. Grégoire de Fournas a l'interdiction de paraître au Palais Bourbon pendant quinze jours de séance et se voit privé de la moitié de son indemnité parlementaire pendant deux mois.

La présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a aussitôt demandé à l'élu RN de quitter l'enceinte du Palais Bourbon. Grégoire de Fournas a reconnu avoir lancé jeudi "qu'il retourne en Afrique" lors d'une intervention de l'élu LFI Carlos Martens Bilongo, qui s'exprimait sur le "drame de l'immigration clandestine" pendant la séance de questions au gouvernement.

Plusieurs élus réclament sa démission 

Le député de Gironde a ensuite catégoriquement nié tout caractère raciste, assurant parler du bateau humanitaire Ocean Viking bloqué en mer avec 234 migrants, et pas de Carlos Martens Bilongo, élu noir du Val-d'Oise. Il a dénoncé une "manipulation de LFI" visant à lui prêter des "propos dégueulasses".

L'incident a provoqué une vague d'indignation et avait entraîné la fin prématurée de la séance de questions au gouvernement, une décision rarissime prise par la présidente de l'Assemblée. "Le racisme, quelle qu'en soit la cible, est la négation des valeurs républicaines qui nous rassemblent dans cet hémicycle", a déclaré vendredi la titulaire du perchoir, après le vote de la sanction.

Grégoire de Fournas est le deuxième député exclu temporairement du Palais Bourbon depuis l'instauration de la Ve République en 1958. Le premier avait été l'élu apparenté PCF Maxime Gremetz en mars 2011, pour une altercation en raison de... voitures ministérielles, mal garées selon lui.

"J'assume totalement"

Nupes et camp présidentiel plaidaient pour la sanction "la plus lourde" contre le député RN. "La question de sa démission se pose", a lancé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin vendredi sur BFMTV et RMC, ajoutant qu'il signerait une pétition du groupe Renaissance réclamant son départ. Les Verts et des élus LFI demandent aussi sa démission.

La patronne des députés RN Marine Le Pen a quitté la réunion du bureau avant la décision. Elle critique une "procédure où on est jugé par nos adversaires politiques" et un "mensonge" de LFI sur l'incident. Sans les RN, les autres élus ont soutenu la sanction à l'unanimité.

A l'initiative de LFI, un rassemblement de soutien au député Carlos Martens Bilongo, s'est tenu à la mi-journée aux abords de l'Assemblée, réunissant quelques centaines de personnes. "Ma personne a été attaquée mais aussi les personnes qui me ressemblent. Des millions de Français ont été attaqués hier. En 2022, nous ne devons pas laisser place à ces idées", a affirmé le député francilien, entouré d'élus de gauche et de Jean-Luc Mélenchon.

Sur BFMTV vendredi, Grégoire de Fournas, qui "assume totalement ses propos sur la politique migratoire anarchique", a exclu toute démission et accuse Carlos Martens Bilongo d'avoir "senti un coup à jouer dans la victimisation communautaire". Ce dernier fustige lui la "phrase raciste" venue d'un élu d'un parti d'extrême droite qui "n'a jamais changé".

Le vice-président du RN évoque un "manque d'humanité" 

Après la sanction, le député RN s'est redit "totalement innocent" : "Je ressens cette sanction d'une dureté inouïe avec une grande injustice. Mais respectueux de l'institution, je m'y soumets." Viticulteur dans le Médoc, Grégoire de Fournas est l'auteur d'une série de tweets tendancieux par le passé. "En Afrique, ils aiment tous la France et ses allocs. On accueille toute l'Afrique?!", a-t-il tweeté en 2017; et en janvier 2022: "En réponse à l'expulsion de notre ambassadeur au Mali, il faut expulser tous les Maliens de France !".

La sortie de Grégoire de Fournas dans l'hémicycle fragilise la stratégie de notabilisation revendiquée par les troupes de Marine Le Pen, depuis l'élection inédite de 89 députés RN en juin. "Tout le monde fait bloc. Et tout le monde se dit que c'était évitable, car c'est toujours plus intéressant de faire une intervention construite" dans l'hémicycle, affirme à l'AFP le député RN Pierre Meurin, qui dénonce "un deux poids deux mesures" avec le Rassemblement national.

Le vice-président du parti David Rachline a regretté "le manque d'humanité" des propos de Grégoire de Fournas. "On ne s'exprime pas comme ça au sujet d'êtres humains, surtout à l'Assemblée", dit-il à l'Obs.