La nouvelle vie politique de Florian Philippot

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Florian Philippot, ici en train de prendre un selfie, assure qu'il n'a "aucune aigreur" vis-à-vis de son ancien parti, le FN. © FRANCOIS NASCIMBENI / AFP
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Depuis son départ du Front national, le président des Patriotes se consacre au développement de son nouveau parti. Et n'oublie pas de garder une présence médiatique importante.

Il n'a "aucune aigreur, aucune haine". Il est "passé à autre chose", a "tourné la page", affirme-t-il à FranceInfo. Florian Philippot le dit, le répète, le martèle : il ne regrette pas le Front national. Depuis son départ fracassant du parti, le 21 septembre dernier, l'ancien bras droit de Marine Le Pen se consacre entièrement à sa propre formation politique, Les Patriotes.

Un parti "en phase de structuration". Celle-ci compte désormais plus de 3.500 adhérents cotisants, trois eurodéputés, une trentaine d'élus régionaux, deux conseillers départementaux et des dizaines d'élus municipaux. "On est dans une phase de structuration", nous explique Joffrey Bollée, directeur de cabinet de Florian Philippot. Il y a quelques jours, l'ex-vice-président du Front national a annoncé la transformation du mouvement en parti politique proprement dit. "Mais un parti pas comme les autres", s'empresse de préciser Joffrey Bollée. "On est dans un esprit d'ouverture, avec la possibilité de la double appartenance" à un autre parti ou un syndicat.

Sur la forme, Les Patriotes assument s'inspirer des débuts de La République en marche!. "On ne veut pas de logique de verticalité stricte", détaille Joffrey Bollée. "On préfère fonctionner à l'horizontale, en s'appuyant sur le terrain avec une logique participative. Les gens sont plus intéressés par une démarche où ils se sentent entendus." Florian Philippot garde en ligne de mire son objectif principal : imposer Les Patriotes comme le parti souverainiste par excellence.

Rapprochement avec les nationalistes européens. Pour ce faire, l'eurodéputé a commencé par orchestrer un rapprochement avec d'autres nationalistes siégeant au Parlement européen. Les trois eurodéputés Patriotes, Sophie Montel, Mireille d'Ornano et lui-même, ont ainsi rallié le groupe Europe de la Liberté et de la Démocratie Directe (ELDD) de Nigel Farage. Ce dernier avait été l'un des leaders du parti anglais Ukip, fer de lance du Brexit au Royaume-Uni. L'adhésion des Patriotes au groupe ELDD est donc "le résultat d'une convergence de vues sur les grandes questions européennes et sur la nécessité de redonner le pouvoir aux peuples, notamment via les référendums", ont expliqué Mireille d'Ornano, Sophie Montel et Florian Philippot. Les eurodéputés FN, eux, sont toujours rattachés au groupe Europe des Nations et des Libertés (ENL). 

Des possibilités d'alliances ? Pourrait-il y avoir d'autres rapprochements, au niveau national cette fois ? "Si on peut s'entendre avec quelques chefs de parti, on le fera", assure Florian Philippot à FranceInfo. Pour l'instant, tout n'est encore qu'au stade d'ébauche. "On est dans une logique de travail avec Nicolas Dupont-Aignan", le leader de Debout La France, précise Joffrey Bollée. Les deux hommes, qui se revendiquent tous deux du gaullisme, se retrouvent sur la question du souverainisme. Pour Joffrey Bollée, Les Patriotes peuvent également échanger avec des personnalités comme Henri Guaino, ou même Arnaud Montebourg. "Je ne dis pas qu'il va venir chez nous, mais on peut se retrouver sur le sujet très intéressant du Made in France et du patriotisme économique."

Au commencement était la souveraineté. Le refus de l'Union européenne et de l'euro, qui a entraîné le départ de Florian Philippot du Front national lorsque le parti a décidé de se recentrer sur les questions d'identité et d'immigration, est désormais plus que jamais sa marque de fabrique. Mercredi, sur Twitter, le leader des Patriotes a dévoilé le visuel de son mouvement, qui tourne en dérision le drapeau européen en remplaçant les étoiles par des émojis en pleurs et appelle à "une nation forte" pour s'opposer au "fédéralisme européen".

Sur leur site Internet, Les Patriotes glorifient Philippe Séguin et son discours contre le Traité de Maastricht, prononcé en 1992. "La souveraineté est au cœur de ce qu'on propose", rappelle Joffrey Bollée. "C'est d'ailleurs pour cela qu'on n'a pas compris que le Front recule sur ce sujet. Mais notre objectif, c'est d'exister sur à peu près tout, de l'emploi au pouvoir d'achat en passant par l'école, la santé ou l'écologie."

" On peut se retrouver avec Arnaud Montebourg sur le sujet très intéressant du Made in France et du patriotisme économique. "

Occuper l'espace politique… Florian Philippot ne manque d'ailleurs pas de saisir les occasions offertes par l'actualité pour se faire entendre. Ainsi, des élus Patriotes se sont rendus, mardi, sur le site de l'usine Whirlpool d'Amiens, où Emmanuel Macron faisait lui aussi un déplacement. Et ce afin d'y revendiquer le "patriotisme économique" contre "les délocalisations". Ils en ont également profité pour se greffer aux revendications des élus locaux du Nord de tous bords sur le canal Seine-Nord, projet ralenti par le gouvernement.

L'ex-vice-président du FN ne s'est pas non plus privé, cette semaine, de prendre la défense des salariés de GM&S, après une offre de reprise de l'équipementier automobile qui a laissé plus d'une centaine de travailleurs sur le carreau.

…et médiatique. Mais Florian Philippot sait que pour continuer d'exister politiquement, il est important de garder une présence médiatique. Ce forçat des matinales garde donc le rythme. Une interview dans Causeur lundi, un débat sur France Inter mardi, une intervention sur France Info jeudi… pas question d'abandonner micros et caméras. Avec, cependant, un petit effet de déclassement qui en fera persifler plus d'un au Front national : Florian Philippot fait désormais moins les interviews aux heures de grande écoute que tard dans la soirée (23h sur France Inter mardi), et se retrouve sur Radio Mélodie au lieu des habituelles stations d'information nationales.

Qu'importe. L'eurodéputé n'a aucune nostalgie, assurent ses proches. "De toute façon, il n'a pas le temps d'être accablé moralement", s'amuse Joffrey Bollée. Accablé de travail, en revanche, ça oui. "Être numéro 1, devoir fédérer, c'est autre chose. C'est très stimulant, très positif." Et cela change par rapport au Front national où, ces dernières semaines, l'ancien bras droit de Marine Le Pen se sentait bridé. "Il n'y avait plus rien à faire politiquement au sein de ce parti", note Joffrey Bollée. "On a un Front national qui renonce à accéder au pouvoir. Aspirer à s'élever contre l'immigration massive, c'est limité comme ambition…"