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Geoffrey Branger avec AFP / Crédit photo : GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
La Première ministre Élisabeth Borne doit annoncer ce lundi la création d'une qualification d'"homicide routier", mais sans alourdissement des peines encourues, a indiqué Matignon, qui défend un changement "à haute valeur symbolique".

Un changement de dénomination "symbolique" : Élisabeth Borne annoncera ce lundi la création d'un "homicide routier" à la place de l'"homicide involontaire" par conducteur qui choquait les associations et proches de victimes, mais sans aller jusqu'à une aggravation des peines encourues. 

"On change la dénomination des faits"

La Première ministre présidera lundi après-midi à Matignon le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR), qui n'avait pas été réuni depuis cinq ans. Elle y annoncera plusieurs mesures, dont la création de la qualification d'"homicide routier", une dénomination revendiquée par les associations de défense des victimes de la route. "On avait un homicide involontaire par conducteur (...). Demain, au lieu de parler d'homicide involontaire, on parlera d'homicide routier : on ne change rien d'autre, on change la dénomination des faits", a indiqué Matignon dimanche soir en dévoilant cette mesure.

Les familles de victimes étaient "choquées de cette qualification d'homicide involontaire", a fait valoir l'entourage de la Première ministre. Le changement d'appellation vaudra aussi pour les blessures, qualifiées également demain de "routières" et non plus d'"involontaires".

Aucune date de mise en application avancée

La mesure, pour laquelle aucune date de mise en application n'a été avancée dimanche, "ne change rien sur le plan de la répression. En revanche, symboliquement, on vient marquer qu'on entend le caractère inacceptable (du mot) involontaire", fait valoir l'entourage de la Première ministre. "C'est une reconnaissance des victimes", insiste Matignon, qui entend "mieux (les) accompagner".

Des associations et avocats de victimes interrogés par l'AFP n'ont pas caché une certaine déception. "On pensait quand même qu'ils iraient plus loin que le changement sémantique. C'est mieux que rien mais quel est le message ? On voulait surtout des sanctions plus sévères et des mesures d'accompagnement", a regretté auprès de l'AFP Jean-Yves Lamant, président de la Ligue contre la violence routière. "Ce n'est pas un recul mais c'est une occasion ratée. Ça n'aura aucun effet dans la réalité des choses", a-t-il estimé.

Une mesure "cosmétique"

Portée depuis une dizaine d'années par deux familles, la revendication d'un "homicide routier" a été reprise par l'association créée par le chef étoilé Yannick Alléno après la mort en mai 2022 de son fils Antoine, percuté par un chauffard. Le cuisinier demande depuis plusieurs mois que l'homicide routier soit une infraction autonome. Son association a fait savoir dimanche à l'AFP qu'elle communiquerait lundi sur le dispositif proposé par le gouvernement.

 

Pour Me Vincent Julé-Parade, avocat spécialisé dans la défense des victimes de violence routière, la proposition du gouvernement est "une mesure qui ne coûte rien", "cosmétique", "qui n'est pas courageuse". "C'est une mesure populaire, qui n'entraîne aucune conséquence technique. On change un mot. Mais est-ce une mesure de sécurité routière ? Non", tranche-t-il en disant douter que "cela influe sur la politique pénale des tribunaux".

Un autre avocat joint par l'AFP, qui n'a pas souhaité être identifié, estime que "la répression, sur le papier, était suffisante". "Ce changement est pour marquer la différence. Les peines sont assez sévères, notamment quand il y a deux infractions réunies, comme l'usage de stupéfiants ou la consommation d'alcool", relève-t-il.

Jusqu'à 10 ans d'emprisonnement avec circonstances aggravantes

En devenant "homicide routier" par une modification du code pénal, l'"homicide involontaire" commis par un conducteur restera puni jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende. Les peines encourues demeureront portées à sept ans de prison et 100.000 euros d'amende avec une circonstance aggravante (conduite sous alcool ou stupéfiants, défaut de permis de conduire, délit de fuite, vitesse très excessive...), dix ans et 150.000 euros si plusieurs de ces circonstances sont réunies.

Un premier pas pour Yves Carra, porte-parole de l’association Mobilités Club France, qui aimerait que les peines existantes soient réellement appliquées. "Cette modification de sémantique, c'est une demande des associations. Nous, ce qu'on demande, c'est que les textes soient appliqués lorsque il y a un accident avec des circonstances aggravantes comme l'alcool, la drogue ou la très grande vitesse. La sémantique, c'est une bonne chose, mais il faudra les actes derrière", insiste-t-il au micro d'Europe 1.

"Peut-être d'ailleurs que cette modification sémantique motivera pour qu'on alourdisse les peines et qu'on se serve des textes. Il faudrait aussi qu'il y ait un suivi pour les familles, pour les victimes comme pour l'entourage, parce que c'est nécessaire. C'est un petit peu un manque qu'on a aujourd'hui en France. Il faudrait qu'il y ait plus de suivi et une application des textes de loi, qui existent déjà, plus conséquente", poursuit Yves Carra.

Avant de présider le CISR, Élisabeth Borne visitera un centre de soins de suite et de réadaptation pour victimes d'accidents de la route en Seine-et-Marne, en compagnie de ses ministres Gérald Darmanin (Intérieur) et François Braun (Santé).

3.260 personnes morts sur les routes en 2022

Selon les chiffres de la Sécurité routière, en 2022, quelque 3.260 personnes sont mortes sur les routes de France métropolitaine, un bilan à un niveau stable par rapport à 2019, dernière année de référence avant la pandémie.