"Grand débat" : critiquée pour son manque de travail à la tête de la CNDP, Jouanno se défend

© BERTRAND GUAY / AFP
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Jean-Rémi Baudot, avec Margaux Baralon , modifié à
Plusieurs sources au gouvernement disent avoir trouvé un chantier très peu avancé après la démission de Chantal Jouanno. Et fustigent "l'amateurisme" de ses équipes. L'ex-ministre s'est défendu en publiant un (long) rapport détaillant les travaux effectués.

Alors que les modalités exactes de l'organisation du grand débat national doivent être dévoilées lundi après-midi par Matignon, on s'affaire en coulisses pour que tout soit fin prêt mardi, date du début de la consultation. Mais les services qui ont repris le dossier des mains de la commission nationale du débat public (CNDP) après la démission de Chantal Jouanno voient rouge. Plusieurs sources ont confié à Europe 1 avoir trouvé un chantier peu (et mal) avancé.

"Il a fallu tout reprendre". "Rien n'était prêt", s'agace un cadre des services gouvernementaux. "On a tout repris, tout déchiré et tout recommencé. On sera prêt à temps mais aucun document de la CNDP ne sera utilisé tel quel." Un proche d'un ministre de premier plan confirme que la commission "a laissé un travail très insuffisant". "Il a fallu tout reprendre. C'était dans un état d'avancement qui n'est pas celui que nous disait Chantal Jouanno."

Une troisième source fustige "l'amateurisme" des équipes de l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy. "C'est hallucinant. C'est probablement la vraie raison du départ de Jouanno", lance, perfide, un conseiller.

"Stratégie de décrédibilisation". Faut-il y voir un règlement de comptes avec Chantal Jouanno, dont le retrait précipité est intervenu alors que la mise sur pied de ce grand débat était déjà compliquée pour l'exécutif ? Contactée par Europe 1, l'ancienne ministre se défend et dénonce une "stratégie de décrédibilisation" de la CNDP. "Ils ont fait pareil avec toutes les personnes qu'ils ont voulu dégager", explique-t-elle. Sa commission a d'ailleurs publié lundi un rapport de tout ce qui a été mis à disposition du gouvernement. 

Dans ce rapport, la CNDP fait la liste des missions accomplies : 63 entretiens, dont huit avec des membres du gouvernement, ont été organisés en 18 jours avec des associations représentant la société civile, des acteurs politiques et des associations d'élus. Des échanges ont également été menés avec des "gilets jaunes". La commission souligne qu'elle a demandé une étude à une experte pour permettre "une première identification des profils types des 'gilets jaunes'". Conseils sur les outils à utiliser pour permettre concrètement le débat, propositions sur la façon d'en rendre compte, recommandations... la liste des travaux engagés par la CNDP s'étale sur une vingtaine de pages.

La posture du gouvernement très critiquée. Surtout, le rapport est très critique avec le gouvernement. À plusieurs reprises, il est mentionné que "les délais de saisine et d'organisation [sont] peu compatibles avec les exigences d'une démarche rigoureuse". Le langage reste diplomate, mais l'attitude de l'exécutif est également dans le viseur de la commission. "Si les acteurs attendent une posture d’écoute, le gouvernement a, dans un premier temps, évoqué une posture de pédagogie", est-il écrit. Quant aux "lignes rouges" évoquées très rapidement par certains ministres, "la CNDP a déconseillé ce positionnement qui est systématiquement assimilée à un signal de fermeture". En outre, la commission regrette qu'en dépit de ses demandes, ses effectifs n'aient pas été étoffés.

Des validations et des arbitrages qui tardent à venir. Enfin, la lecture du rapport donne l'impression que de nombreux chantiers sont à l'arrêt du fait de l'exécutif. La mise en place des outils nécessaires pour organiser le débat s'accompagne souvent de la mention de validations gouvernementales qui tardent à venir. Si la plateforme téléphonique est opérationnelle depuis le 7 janvier, le "kit méthodologique" finalisé par la CNDP a été modifié par le pouvoir et ne "peut donc plus être sous logo de la CNDP". Le kit thématique ? "Sous la responsabilité du gouvernement, il reste à finaliser." Les vidéos tournées pour le lancement de la plateforme numérique ? "La validation finale est dorénavant assurée par le gouvernement." Et son arbitrage est aussi attendu sur l'envoi de courriers aux foyers qui n'ont pas accès à Internet, alors que "le prestataire [en charge de ce service] est identifié et peut être rapidement opérationnel"... Une manière, pour Chantal Jouanno, de couper court aux critiques.