Jean-Jacques Urvoas a été ministre de la Justice de 2016 à 2017. 3:09
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Antoine Terrel , modifié à
Sur Europe 1, l'ancien ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas est revenu sur la mise en examen de l'actuel garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti pour des soupçons de conflits d'intérêts. Pour lui, le ministre n'est pas obligé de démissionner, mais son maintien en poste va le mettre dans une position très inconfortable politiquement. 
INTERVIEW

Mis en examen pour des soupçons de conflits d'intérêts, Eric Dupond-Moretti va-t-il pouvoir rester au gouvernement ? Si le ministre de la Justice garde "toute la confiance" du Premier ministre Jean Castex, les appels se multiplient dans l'opposition pour réclamer la démission du garde des Sceaux. Invité samedi d'Europe 1, un de ses prédécesseurs à la Chancellerie, Jean-Jacques Urvoas, rappelle qu'Eric Dupond-Moretti peut légalement tout à fait rester en poste. Mais il estime que sa position est désormais très délicate, ce qui pourrait venir perturber son action au sein de l'exécutif. 

"Rien n'oblige" Eric Dupond Moretti à démissionner, assure Jean-Jacques Urvoas, "et qu'il n'en ait pas l'intention, ça peut se comprendre". D'ailleurs, rappelle-t-il, "la mise en examen n'est pas une reconnaissance de culpabilité". Et de rappeler le cas de l'ex-ministre Eric Woerth, lui aussi suspecté de prise illégale d'intérêt. "Au bout de quelques mois d'analyse, le juge avait conclu à un non-lieu." 

Un ministre à "la parole affaiblie"

Reste que le maintien de l'ex-avocat au gouvernement "le met dans une situation délicate", indique Jean-Jacques Urvoas, pour qui le garde des Sceaux va se retrouver dans une "position très inconfortable", notamment à partir de la rentrée, où plusieurs importants rendez-vous politiques l'attendent. "En septembre, il est devant le Sénat pour défendre le projet de loi sur la confiance dans l'institution judiciaire. Après ce dossier, il a un autre texte qui est le projet de loi sur l'irresponsabilité pénale. Et si cela ne suffisait pas, il y a en plus les Etats généraux de la Justice que le président de la République a annoncé pour l'automne."

Lors de cette dernière échéance, Eric Dupond-Moretti aura notamment pour interlocuteur "le procureur général de la Cour de cassation, celui-là même qui l'accuse devant la Cour de justice de la République", rappelle-t-il encore. Et de conclure : "Je ne sais si le ministre saura faire la distinction entre le justiciable qu'il est et le ministre qu'il continue à vouloir être." 

Au vu de cette situation, "sa position est évidemment inconfortable, et je pense que son avenir est incertain", analyse Jean-Jacques Urvoas. Aussi, pour lui, Eric Dupond-Moretti est aujourd'hui "un atout plus faible qu'il ne l'était il y a un an" pour Emmanuel Macron. "Devient-il un boulet ? Ce sont les prochaines semaines qui vont nous le dire", dit-il. En attendant, s'il venait à rester ministre de la Justice, il serait un garde des Sceaux "dont la parole est affaiblie".