Du "grand débat" à l'incendie de Notre-Dame de Paris : la soirée mouvementée d'Emmanuel Macron

© PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP
  • Copié
Michaël Darmon et Romain David , modifié à
Les annonces très attendues du président de la République, tirées des conclusions du "grand débat national", ont été suspendues face à l'incendie qui a ravagé lundi soir la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Les Français étaient nombreux à attendre lundi soir la parole d'Emmanuel Macron, mais les images de Notre-Dame de Paris ravagée par les flammes ont bouleversé l'actualité, et balayé l'allocution présidentielle. Arrivé sur les lieux de la catastrophe en début de soirée, le président a assuré que l'édifice sinistré, plus de huit fois centenaire, serait reconstruit. Autour du chef de l'Etat s'est mis en place une trêve politique inattendue, après cinq mois de crise déclenchée par la grogne des "gilets jaunes".

Soudain, l'impensable

Lundi, à 19 heures, la vie politique du pays s’est figée. L'Élysée a pris connaissance du sinistre alors même que le chef de l'Etat mettait la dernière main à son intervention télévisée, prévue à 20 heures. Après avoir travaillé son discours jusqu'à 16 heures, Emmanuel Macron venait d'en achever l'enregistrement, en compagnie d'une petite équipe, lorsqu'il a appris la nouvelle, rapporte RTL. Entrant dans la pièce, Alexis Kohler, le secrétaire général de la présidence, se serait contenté de lancer : "Notre-Dame est en feu !"

Décision est aussitôt prise de reporter l'intervention du chef de l'Etat. Après deux mois d'attente - le grand débat ayant pris fin le 29 mars -, et alors que de nombreux commentateurs voyaient dans cette allocution un moment charnière du quinquennat, l'urgence de la situation prend le pas sur le calendrier présidentiel. Évoquant le "terrible incendie qui ravage Notre-Dame de Paris", le palais annonce dans un communiqué le report de l'intervention télévisée sans donner d'autre date. Il n'est pas question pour la présidence de laisser diffuser des propos qui n’auraient pas pu évoquer un drame auquel assiste la France entière.

Emmanuel Macron arrive en compagnie de sa femme sur l'île de la Cité vers 20h15. Dans le même temps, l’émotion s’est emparée de tout l’appareil d’Etat, qui se retrouve bientôt au côté du président, au pied du sanctuaire en flamme : le Premier ministre, Edouard Philippe, le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, celui du Sénat, Gérard Larcher, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, le ministre de la Culture, Franck Riester, ou encore la maire de Paris, Anne Hidalgo. Il manque toutefois à l'appel le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, en déplacement à Mayotte, mais qui n'a pas manqué d'exprimer aux journalistes qui l'accompagnent sa "culpabilité" de ne pas être à Paris.

Sur les réseaux sociaux, politiques de tout bord expriment leur stupeur, comme Jean-Luc Mélenchon, demandant "24 heures de pause politique". "L'incendie de Notre-Dame de Paris poignarde l'esprit de tous", écrit-il dans un tweet. Mardi matin, plusieurs formations politiques, dont LR, LREM et RN, ont annoncé la suspension de leur campagne pour les européennes.

>> Suivez notre essentiel EN DIRECT sur l'incendie de Notre-Dame de Paris

Une union inattendue à l'heure des divisons

En une heure de temps seulement, face à l'ampleur de la catastrophe et aux images dantesques que diffusent en boucle les chaînes d'information en continu, une sorte d'union sacrée se forme. Emmanuel Macron a finalement pris la parole lundi en fin de soirée, mais pas vraiment comme il l'avait prévu. "Je vous le dis très solennellement ce soir : cette cathédrale nous la rebâtirons, tous ensemble", a-t-il promis devant les caméras, confirmant également le lancement d'une souscription nationale à partir de mardi. Des mots en résonance avec ce qu’il disait la veille de son élection, en proclamant "ensemble la France".

"Ça restera comme une image très forte de ce quinquennat", a estimé au micro d'Europe 1 Bruno Jeudy, le rédacteur en chef du service politique de Paris Match. Une image paradoxale, également : "Le président de la République devait faire une allocution, pour essayer de conclure ce 'grand débat'. Et ce pays si divisé actuellement s'est retrouvé uni autour d'une cathédrale, preuve que les racines sont très importantes dans ce pays", poursuit ce spécialiste de la vie politique.

Alors que les donations affluent mardi pour aider à reconstruire la cathédrale éventrée, une autre question se pose : comment rebâtir la séquence politique prévue lundi soir pour annoncer les mesures de la fin du "grand débat", qui s'est écroulée en même temps que la charpente de Notre-Dame ? Officiellement, la vidéo enregistrée a été écrasée. Une conférence de presse était prévue pour expliquer les décisions annoncées. Est-ce que tout va être rassemblé en une unique conférence de presse, qui pourrait être planifiée dans les prochains jours ?  La décision est délicate, car à partir du moment où le président décidera de reprendre son agenda politique, il risque de mettre fin au moment d’émotion nationale autour de Notre-Dame de Paris.

>> Retrouvez ci-dessous la chronique de notre éditorialiste Michaël Darmon :