Débat, abstention, risque de fraude… l’impossible congrès du PS

Les quatre candidats à la direction du Parti socialiste débattront début mars, "probablement à la télé".
Les quatre candidats à la direction du Parti socialiste débattront début mars, "probablement à la télé". © AFP-Montage Europe 1
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Romain David , modifié à
Si le Parti socialiste pourrait bien jouer sa survie lors de son congrès d'avril, plusieurs interrogations continuent de peser sur l'élection du prochain Premier secrétaire.

C’est une première avancée, mais de nombreuses questions restent encore en suspend. Si le 78ème congrès du PS, prévu à Aubervilliers les 7 et 8 avril prochain, a tout d’une opération de la dernière chance pour un parti en voie de disparition de l’espace politique, son organisation souffre encore de nombreuses inconnues. Mais lundi, les quatre candidats en lice pour la direction du PS, ont au moins réussi à s’entendre sur la tenue d’un débat, probablement au début du mois de mars, juste avant que les militants ne soient appelés aux urnes, les 15 et 29 mars, pour désigner le nouveau premier secrétaire. 

Un débat qui fait débat

Plusieurs radios et chaînes de télévisions, dont BFM TV, auraient sollicité le PS, selon une information du Monde. Mais fallait-il débattre face caméra, au risque de laver son linge sale sur la place publique et d’échauder un électorat déjà marqué au fer rouge par les divisons du précédents quinquennat – on se souvient des invectives du dernier débat pour la primaire de la gauche - ou, au contraire, préférer la formule plus confidentielle d’un studio radio, voire même d’un échange organisé à Solférino et uniquement retransmis sur les réseaux sociaux ?

C’est la première option qui semble avoir été retenue à l’issue d’un déjeuner de travail qui a réuni lundi les quatre prétendants, Olivier Faure, Stéphane Le Foll, Luc Carvounas, Emmanuel Maurel, et Rachid Temal, le coordinateur du parti. "Ce sera vraisemblablement un débat télé qui se tiendra début mars", a précisé à l’issue de cette rencontre Emmanuel Maurel, le chef de file de l’aile-gauche. Samedi, son entourage, cité par Le Monde, se disait plutôt favorable à un "format radio": "On veut pouvoir parler du fond, des idées". Mais lundi, l’eurodéputé assure à Europe 1 ne pas avoir de préférence entre un studio radio ou un plateau télé. L’entourage d’Olivier Faure avait également fait preuve de réserve dans les pages du quotidien du soir. Présenté comme le favori de ce scrutin, le patron des députés PS pourrait en effet avoir beaucoup à perdre si la situation venait à déraper. "Il y a un risque de laver son linge sale en famille", avertissait un proche.

Luc Carvounas, de son côté, espérait davantage qu'un seul débat, tablant sur la confrontation pour obliger les uns et les autres à clarifier leur position. Une manière aussi de médiatiser davantage sa personne, pour celui qui a pu être moins exposé que Stéphane Le Foll, ancien ministre, ou que le président des députés PS. "Luc voulait carrément avoir deux dates, mais il semblerait qu’Olivier Faure et Emmanuel Maurel n’étaient pas très allants. Il a même été difficile d’obtenir une seule date", glisse l’entourage du candidat qui dénonce "un manque d’ambition de la part de la direction, une campagne de réseaux, refermée sur elle-même".

Finalement, l’hypothèse d'un (seul) débat télé a surtout de quoi réjouir Stéphane Le Foll. "Nous y sommes favorable, car c’est aussi ce que veulent les militants", assurait son équipe juste avant la réunion. Il faut dire que l’ancien porte-parole de l’Elysée, habitué des caméras, est certainement le plus à l’aise des quatre dans ce type d’exercice.

Des électeurs aux abonnés absents

Si la question du débat est tranchée, une autre zone d'ombre ne sera pas éclaircie avant le scrutin des 15 et 29 mars : celle du nombre d'électeurs. Auprès d’Europe 1, la direction évoque 102.000 adhérents susceptibles de pouvoir voter. Comprenez : 102.000 personnes à jour de cotisation ou qui peuvent encore le faire pour pouvoir participer au vote sur les motions, le 15 mars. Pour garantir ce chiffre, la direction a accepté que les adhérents cumulant plusieurs années d’impayés ne se mettent à jour que de la cotisation 2018, précise Rachid Temal à Europe 1. "Conformément aux statuts, la mise à jour est possible jusqu’au jour du vote. Les trésoriers ont une liste, et les adhérents qui viennent voter peuvent en même temps régler leur cotisation", rappelle-t-il.   

Mais voilà, à en croire un pointage réalisé par France 2, seules 42.000 personnes étaient à jour de cotisation en novembre 2017. Soit au moins 60.000 électeurs à ramener au bercail pour espérer faire un carton plein. Un argument de plus pour justifier la tenue d’un  grand débat médiatisé selon l’équipe de Luc Carvounas : "Ça ne sert a à rien de communiquer sur le nombre d’adhérents si c’est pour finir à 30.000 votants", s’agace-t-on. "C’est aux signataires de faire campagne, et c’est aux candidats d’intéresser les militants à ce congrès", balaye de son côté Rachid Temal. Dans les couloirs du parti, on table sur 40.000 participants. "On ne sait pas si on sera 20.000", souffle pourtant Olivier Faure au Journal du Dimanche. Lors du dernier congrès, à Poitiers en 2015, plus de 71.000 votants s’était mobilisés. En décembre, le congrès des Républicains qui a vu l’élection de Laurent Wauquiez, avait réuni quant à lui près de 99.600 électeurs, effaçant le spectre d’une faible participation. Une chose est sûre : le PS n’a plus les moyens de placer la barre si haut. "La mort du PS ne dépend pas du nombre de votants. La mort du PS adviendra si demain on élit une direction politique qui n’a pas dit les choses avant ce congrès", veut nuancer Luc Carvounas dans Le JDD.

Un vieux traumatisme : le spectre d’un bourrage d’urnes

C’est une angoisse récurrente chez les socialistes : le bourrage d’urnes. La crise du second tour lors du congrès de Reims en 2008, qui a vu la victoire de Martine Aubry sur Ségolène Royal, avec seulement 102 voix d’avance, a laissé des vives cicatrices. En marge du congrès d’Aubervilliers, c’est Luc Carvounas qui agite le spectre d’une fraude : "Lors de la dernière consultation des militants, dans une dizaine de fédérations, les résultats ne sont pas remontés immédiatement. On a repéré des ‘trous dans la raquette’. J’espère qu’on va y faire attention", prévient-il, toujours auprès du JDD. Pour limiter les risques, le candidat a réclamé un vote électronique, en vain, les organisateurs jugeant que cela entraînerait des coûts supplémentaires. "On est assez atterrés de voir qu’en 2018 il ne soit pas possible d’organiser un vote électronique sur un corps électoral restreint. Ceux qui nous opposent un argument d’argent sont dans l’erreur", s’agace un proche du député du Val-de-Marne pour qui un vote dématérialisé aurait aussi permis de pallier au délitement du maillage territorial – déroute électorale et contrainte budgétaire obligent – et donc de mobiliser potentiellement un plus grand nombre d’électeurs.

La direction du PS se veut rassurante : "Dans tous les bureaux de vote de France, les candidats peuvent être représentés par un assesseur", rappelle le coordinateur national Rachid Temal. "Nous avons un dispositif humain sur le terrain pour vérifier le bon déroulement du scrutin et du dépouillement des votes, et une centralisation en temps réel des résultats", souligne-t-il. Lui l’assure, le PS n’a plus connu de problème de scrutin depuis 2008.