Campagne de Macron : que reproche-t-on aux collectivités de Lyon ?

Gérard Collomb (à droite), ancien maire de Lyon, est un soutien de la première heure du candidat Macron.
Gérard Collomb (à droite), ancien maire de Lyon, est un soutien de la première heure du candidat Macron. © JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP
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Mathilde Belin , modifié à
La Ville et la Métropole de Lyon sont soupçonnées d’avoir favorisé la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, en mettant à disposition des "moyens publics humains, matériels et financiers".
ON DÉCRYPTE

Nouveau rebondissement dans l’affaire de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron. Après les nombreuses ristournes dont aurait bénéficié le candidat En Marche révélées par la presse ces dernières semaines, une enquête préliminaire a été ouverte lundi à l’encontre de la Ville et de la Métropole de Lyon. Les deux collectivités sont soupçonnées d’avoir favorisé Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie de François Hollande, dans sa conquête de l’Elysée.

Que reproche-t-on aux collectivités lyonnaises ?

L’enquête préliminaire a été ouverte pour des faits présumés de détournements de fonds publics, financement irrégulier de campagne électorale, abus de biens sociaux et recel. Ordonnée par le parquet de Lyon, l’enquête a été confiée à la police judiciaire. Elle fait suite à la plainte contre X déposée par deux élus locaux Les Républicains (LR) le 11 juin dernier.

Le maire de Caluire et président du groupe LR à la Métropole de Lyon Philippe Cochet et son homologue à la Ville Stéphane Guilland accusent les deux collectivités d’avoir contribué à la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, sans que cela ne soit affecté aux comptes de campagne d’En Marche. Ils s’appuient notamment sur l’interdiction faite aux personnes morales (à l’exception des groupements politiques) de participer au financement d’une campagne électorale.

Quels sont les faits incriminés ?

Selon la plainte des chefs de file de la droite locale, "des moyens publics (humains, matériels et financiers) sous le contrôle de la Ville et de la Métropole de Lyon", que dirigeait alors Gérard Collomb avant d'entrer au gouvernement, auraient été "indûment détournés et mis à disposition" du futur président de la République. Ils listent notamment, dans un communiqué, l’utilisation d’emplois publics "au bénéfice d’activités partisanes", ainsi que "le soupçon d’un emploi fictif". Des faits étayés, selon eux, par des copies de mails de la Métropole à destination de l’organisation de la campagne du candidat Macron.

Une réception qui fait des remous. C’est une réception organisée le 2 juin 2016 à l’Hôtel de Ville de Lyon qui est notamment dans le viseur de l’opposition, et désormais des enquêteurs. Ce jour-là, le maire Gérard Collomb reçoit en grande pompe le ministre de l’Économie d’alors, deux mois tout juste après le lancement d’En Marche, et dont il est un soutien de la première heure. Mais pour l’opposition de droite, cette rencontre ressemble davantage à un meeting de campagne. Déjà à la veille de la réception, Philippe Cochet dénonçait une "opération de fundraising (levée de fonds) en vue de la prochaine présidentielle". Il avance notamment que les élus d’opposition n’ont pas été conviés à cette rencontre entre Emmanuel Macron et des élites locales du monde économique et culturel. Au moins 600 personnes ont participé à cette réception, dont le coût total avoisine les 20.000 euros, pris en charge par la Ville et la Métropole.

"Parmi les 600 invités, les conseillers municipaux et métropolitains conviés n’étaient que ceux qui avaient marqué leur soutien au candidat Macron", a affirmé Philippe Cochet dans les colonnes du Point. Son homologue à la Ville a précisé qu’il leur a fallu six mois pour obtenir les factures de cet événement, et qu’ils tentent toujours de consulter la liste exacte des invités. "Collomb dit que Macron n'était pas en campagne, pourtant des réunions plus anciennes que ce 2 juin ont été ajoutées aux comptes de campagne d’En Marche", a abondé Philippe Cochet auprès de Lyon Capitale.

Dans leur plainte, les élus LR estiment ainsi qu’Emmanuel Macron a bénéficié "d'une mise à disposition gratuite" de locaux publics "à des fins électorales et partisanes", alors que la campagne présidentielle était "juridiquement ouverte", et que les collectivités lyonnaises, en payant les factures, ont financé un candidat, ce que le code électoral interdit formellement.

Le double emploi de Jean-Marie Girier ? La plainte des deux élus LR met également en cause l’ancien chef de cabinet de Gérard Collomb à la Métropole de Lyon, Jean-Marie Girier, qui a aussi joué un rôle actif dans la campagne d’Emmanuel Macron avant de rejoindre la place Beauvau. Jean-Marie Girier aurait bénéficié d’un temps partiel à la Métropole à partir d’octobre 2016, avant de mettre fin à ses fonctions deux mois plus tard pour devenir directeur de campagne de Macron. Documents à l’appui, les plaignants affirment que son implication au sein d’En Marche a commencé bien plus tôt. Ce cumul de fonctions "juridiquement interdit" selon eux, masquerait un emploi "partiellement ou totalement fictif" au sein de la collectivité, "selon les périodes".

Comme il l’a affirmé au Point, Philippe Cochet explique que ce collaborateur "utilisait non seulement du temps, mais surtout des moyens de la Métropole, comme des boîtes mails, des bureaux, des moyens de transports pour faire campagne pour le candidat LREM". Le site Mediacités révélait déjà l’année dernière des déplacements effectués à Aurillac, Rennes ou Strasbourg par Jean-Marie Girier pour le compte de la campagne LREM. 

Locaux publics pour une rencontre secrète. Philippe Cochet et Stéphane Guilland disent s’interroger par ailleurs sur l’utilisation de locaux de la Métropole de Lyon à Paris durant l’élection présidentielle. Comme le révélait en mars Le Figaro, Emmanuel Macron et Alain Juppé se sont rencontrés après le premier tour de la présidentielle dans cet appartement parisien loué par la collectivité lyonnaise depuis 1991. "Il est normal que la Métropole ait des locaux à Paris. Mais est-ce normal que ces locaux soient utilisés pour une campagne ? C'est un avantage en nature et ça doit être affecté aux comptes du parti", a rétorqué Stéphane Guilland, cité par Lyon Capitale. 

Parking mis à disposition. Enfin, les deux élus LR relèvent dans leur plainte la mise à disposition par la Ville d’un parking à l’occasion du grand meeting d’Emmanuel Macron dans la capitale des Gaules, le 4 février 2017. Comme le rapporte Rue89 Lyon, ce sont normalement aux équipes de campagne de demander des interdictions de stationnement pour le bon déroulé de l’événement. Dans le cas de ce meeting, LR rapporte qu’un arrêté de réglementation provisoire de stationnement a été pris par la Ville, à la demande du cabinet du maire.

Comment réagit l’entourage de Gérard Collomb ?

Aujourd'hui, l’exécutif et l'Elysée ne réagissent pas officiellement. "Il serait mal venu de commenter une enquête en cours", souffle-t-on au ministère de l'Intérieur, à Europe 1. L’entourage de Gérard Collomb s'était toutefois déjà défendu de tout favoritisme dans cette affaire. "Il n'y a rien de nouveau dans ces informations dont le seul objet est de jeter le discrédit. La plainte des élus LR de Lyon reprend une polémique que l'opposition locale tente d'alimenter depuis plusieurs mois. La collectivité a eu l'occasion de leur répondre dans le détail à plusieurs reprises", a-t-on rétorqué dans l'entourage du ministre la semaine dernière à l’AFP. Mais les réponses n’ont visiblement pas satisfaits Philippe Cochet et Stéphane Guilland, qui demandent depuis deux ans chiffres et documents quant à ces engagements publics des deux collectivités.

Après des mois d’opposition avec l’exécutif local LREM sur le sujet, la droite s’en remet désormais à la justice. Philippe Cochet s'en est expliqué en conférence de presse la semaine dernière : "Gérard Collomb a eu un rôle primordial dans l'élection d'Emmanuel Macron. Il en a d'ailleurs pleuré durant l'investiture de ce dernier. Comme il l'a reconnu, il a mis à disposition ses moyens et son réseau pour Macron. Il a peut-être aussi mis à disposition quelques moyens qui ne lui appartiennent pas. On n'accuse pas, on pose la question."