Réforme du collège : Vallaud-Belkacem dans la tourmente

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CRASH TEST - Face aux critiques qui se multiplient, la ministre de l'Education nationale doit se défendre sur plusieurs fronts. En sortira-t-elle affaiblie ou renforcée ?

C'est l'un des postes les plus exposés du gouvernement. Najat Vallaud-Belkacem le savait en acceptant, en août dernier, de devenir la première femme ministre de l'Education nationale. Ces dernières semaines lui en ont apporté la confirmation. Sa réforme du collège cristallise les critiques. Celles de la droite et des syndicats d'enseignants, dont la plupart appellent à la grève pour le 19 mai prochain. Mais aussi chez les intellectuels, comme Régis Debray, et jusqu'à son propre camp. L'ancien Premier ministre et prof d'allemand Jean-Marc Ayrault a ainsi fait part à la ministre de son "inquiétude" face à la suppression des classes bilangues. Une mesure qui fait tousser jusqu'à Berlin.

La première grande épreuve ? Les contestataires sont nombreux et, surtout, le feuilleton dure. La dernière polémique en date porte sur les nouveaux programmes d'histoire, qui prévoient de transformer en module facultatif l'enseignement de la chrétienté au Moyen-Age, alors que les cours sur l'islam restent obligatoires. La première vraie épreuve politique pour une ministre de 37 ans qui, jusqu'ici, signe un parcours sans faute ? Plusieurs de ses prédécesseurs rue de Grenelle y ont laissé des plumes, Vincent Peillon en tête. "C'est un poste horrible", reconnaît l'un des proches de l'ancienne porte-parole du gouvernement.

"Il faut qu'elle tienne", dit Hamon. A coup d'interviews, de communiqués et de lettres aux enseignants, la ministre tente de calmer les ardeurs en expliquant et réexpliquant son projet. "Il faut qu'elle tienne car c'est une bonne réforme, dans la continuité de ce qui a été fait depuis 2012", déclare à Europe 1 son prédécesseur, Benoît Hamon. "Pour l'instant, elle gère très bien ce dossier. Mais il ne faut pas qu'elle soit seule à parler. C'est dans ces moments-là qu'on aimerait bien entendre le PS et l'exécutif", glisse-t-il.

"Catastrophique" pour la droite. Sans surprise, la droite s'est engouffrée dans la brèche. Sébastien Huygue, porte-parole de l'UMP, a dénoncé lundi une réforme "catastrophique" et appelé François Hollande à faire "cesser cette hérésie". Le même jour, Bruno Le Maire est lui aussi monté au créneau dans une tribune au Figaro. "Il semble malheureusement que la ministre ait fait de la démolition tout sourire du mérite, de la discipline et des exigences du savoir son nouveau cheval de bataille", écrit le député de l'Eure. Dans le collimateur de la droite : la réforme des cours de latin et de grec, les "enseignements pratiques interdisciplinaires" introduits par la réforme, ou encore la modification des programmes d'histoire.

Invité d'Europe 1 mardi soir, Luc Ferry s'est lui aussi emporté contre la réforme de Najat Vallaud-Belkacem. "On est dans le thématique, dans le moralisateur, alors que jamais, dans l'Histoire de France, on a eu autant besoin de remettre du chronologique, de l'enchaînement et du linéaire", a regretté l'ancien ministre. "Ces programmes d'histoire ont constamment un biais moral, c'est un gigantesque cours d'instruction civique !"

Trop de com', pas assez de dialogue, dénoncent les syndicats. Chez les syndicats d'enseignants, c'est surtout la "mise en concurrence" entre les différentes matières et les établissements qui est critiquée. Et l'on déplore la méthode Najat Vallaud-Belkacem, à qui l'on reproche un manque de dialogue. "Nous avons des relations assez régulières avec son cabinet, mais la ministre elle-même ne s'est pas beaucoup engagée là-dessus", regrette Roland Hubert, co-secrétaire général du SNES, syndicat majoritaire dans le second degré. Pour lui, "la com' est très bien faite mais il y a un manque de dialogue".

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L'obsession de la com', voilà ce qu'on reproche si souvent à celle qui met soigneusement à jour son site web personnel et cultive sa communauté de fans sur les réseaux sociaux. "Bien sûr, dès que c'est une femme jolie, jeune, issue de la diversité, on dit : 'c'est de la com'", s'agace un proche, qui défend son implication dans ses dossiers : "la méritocratie à l'école, elle sait vraiment ce que c'est. Elle a grandi dans un village où pas une voiture ne passait dans l'année, avant d'être élève en ZEP à Amiens, ce qui n'était pas vraiment le cas de ses prédécesseurs".

Donner des gages. La méthode "NVB", c'est aussi la prudence. Depuis son entrée au gouvernement en 2012, elle ne s'est jamais entêtée lorsque la bronca était trop forte. Comme sur la pénalisation des clients de la prostitution ou les "ABCD de l'égalité" à l'école, sur lesquels elle a reculé sur injonction de Matignon. Cette fois, la ministre cherche à apaiser et à donner des gages. Elle a notamment souligné que sa réforme avait obtenu l'approbation du Conseil supérieur de l'éducation, instance consultative issue de la communauté éducative. Et insisté sur le fait que les nouveaux programmes d'histoire ne soient encore qu'un projet, sur lequel les enseignants vont être consultés.

Les ultimes arbitrages remonteront évidemment à François Hollande et Manuel Valls qui, pour l'instant, laissent se débrouiller la bonne élève du gouvernement. La réforme du collège et des programmes doit entrer en vigueur à la rentrée 2016. "Si elle va au bout, elle ne peut en sortir que renforcée", assure Benoît Hamon. En attendant, il faut franchir l'obstacle.

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