Les confessions du "trésorier" de Balladur

Alexandre Galdin, ancien membre de l'association de financement de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995.
Alexandre Galdin, ancien membre de l'association de financement de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995. © MaxPPP
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avec Laure Dautriche et AFP , modifié à
Des mallettes remplies de billets étaient déposées à la banque lors de la campagne de 1995.

Le témoignage est édifiant. "Tous les trois jours environ, j'allais déposer de l'argent en liquide, dans une mallette, au Crédit du Nord", raconte dimanche, au Parisien, un ancien membre de l'association de financement de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, entendu comme témoin dans l'enquête sur l'affaire Karachi.

"En tout, entre le 13 mars et le 24 avril, j'ai dû procéder à 22 dépôts", raconte Alexandre Galdin. "Cela pouvait aller de 100.000 à 500.000 francs maximum (15.000 à 75.000 euros environ) car la mallette ne pouvait pas contenir plus", déclare l'homme âgé 43 ans, entendu le 25 février par le juge Renaud van Ruymbeke, rapporte le quotidien.

Alexandre Galdin ajoute qu'il ne connaissait pas l'origine des fonds, que cette question n'a "jamais" été évoquée. "Je pensais alors qu'il s'agissait de fonds secrets de Matignon. Tout le monde, au QG, le subodorait", dit-il. La justice s'interroge sur l'existence d'éventuelles rétrocommissions liées à la vente de sous-marins au Pakistan qui auraient été destinées au financement de la campagne présidentielle de l'ex-Premier ministre.

Les explications sont "évidemment mensongères"

Pour Alexandre Galdin en tous cas, c'était "impossible" que les fonds proviennent des meetings ou des quêtes. "Les explications d'Edouard Balladur, à cet égard, sont évidemment mensongères", déclare-t-il.

Un matin d'avril 1995, Alexandre Galdin découvre même plusieurs millions de francs, devant lui sur une table."J'ai vu plusieurs milliers de coupures, il s'agissait de 3 millions de francs", raconte-t-il sur Europe 1. "J'étais tellement stupéfait que je n'ai pas pu me retenir et j'ai demandé : "mais qu'est-ce que c'est que cet argent".

"Là, on m'a répondu : "ne pose pas de question", se souvient-il :

"Le volume d'argent (déposé à la banque) était tel que ce n'est pas une mallette mais une valise en faux cuir marron, de très mauvais goût, que j'ai apportée à la banque", poursuit Alexandre Galdin, estimant à "peut-être 3 millions de francs, soit l'équivalent de six mallettes", le montant de ce dépôt. Ce jour-là, le trésorier de la campagne Balladur, René Galy-Dejean, l'accompagnait, dit-il. "Je ne peux qu'espérer que le juge puisse donner toute la lumière sur cet argent, ne serait-ce que pour les victimes", confie-t-il.

Un dépôt de 3 millions de Francs à la banque en avril 1995

Entendu le 15 février comme témoin assisté par le juge van Ruymbeke, chargé d'enquêter sur un volet financier de l'affaire Karachi, René Galy-Dejean avait fait état d'un dépôt en espèces de 3 millions de francs, le 26 avril 1995, selon son PV d'audition cité par Le Monde et Médiapart. Il s'était en revanche affirmé incapable d'expliquer un versement de 7 millions de F en faveur du candidat battu en 1995.

Au printemps 2010, le quotidien Libération avait fait état d'un document récapitulant un versement de 10 millions de francs (1,5 million d'euros) au Crédit du Nord ce même 26 avril. Edouard Balladur juge "parfaitement infondées" les allégations d'un financement politique occulte. Les juges Marc Trévidic et Yves Jannier suivent de leur côté la piste d'un arrêt des commissions sur un contrat d'armement franco-pakistanais signé en 1994 pour expliquer l'attentat de mai 2002 qui avait tué 15 personnes, dont 11 salariés français de la Direction des constructions navales (DCN).