Anna Rosso-Roig : "Tout ce qui est radical n'est pas bon"

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Thomas Sotto avec Benjamin Harroch , modifié à
INTERVIEW E1 - Cette ex-militante du Front de gauche vient de quitter le Rassemblement Bleu Marine qu'elle avait rejoint en mai 2013.

Comme elle, ils sont plusieurs à s'être laissés tenter par le FN avant d'en revenir. Anna Rosso-Roig, ancienne militante Front de gauche à Marseille, qui avait rejoint le Rassemblement Bleu Marine en mai 2013 pour les élections municipales, vient finalement de faire marche arrière, n'adhérant pas à la "ligne politique trop radicale" du Front national marseillais. Pour comprendre pourquoi, Europe 1 l'a invitée mardi. Elle a accepté de répondre aux questions de Thomas Sotto. Interview.

Anna Rosso-Roig : De l'extrême gauche à l...par Europe1fr

 

Qu'est-ce qui s'est passé pour que vous décidiez de claquer la porte du Front national ?
D'abord, je tiens à préciser que je n'ai jamais été encartée au FN. J'ai rejoint le RBM, une association qui regroupe des personnes de différentes tendances. Le Rassemblement Bleu Marine dont Me Collard est le secrétaire général.

Il ne vous a pas échappé qu'il y avait des liens entre le Rassemblement Bleu Marine et le Front national...
Non, ça c'est évident. Mais le Rassemblement Bleu Marine constitue une frange plus modérée que celle du FN.

Plus modéré mais pas suffisamment. Qu'est-ce qui vous a choqué dans les arrière-boutiques du FN ou du RBM ?
Alors, je ne dirai pas que le RBM n'est pas suffisamment modéré mais qu'au niveau local, et notamment à Marseille, notre secrétaire départemental du FN a décidé de rester sur une ligne radicale... Stéphane Ravier, tête de liste FN à Marseille, a choisi cette ligne et ne s'en cache pas. Il est plutôt sur la tendance Le Pen que sur la tendance Marine nouvelle génération, cette tendance ne me convient pas du tout.

Qu'est-ce qui vous a choqué ?
D'abord il y a eu le rassemblement concernant la mort du jeune homme, Méric. Ce rassemblement, je n'y ai pas participé : je l'ai trouvé déplacé, il eut été préférable d'envoyer un petit mot à la famille. J'aurais trouvé ça plus approprié, plus soft. Il y a eu les propos : Stéphane Ravier après un règlement de comptes, a dit "il y a encore eu un mort, ça fera un chômeur de moins !" Le règlement de compte, c'est la question de la délinquance, pas celle du chômage ! C'est malheureux que des jeunes dérivent et en arrivent à trouver comme seule solution dans la vie d'aller vers la délinquance. Un jeune qui meurt, c'est jamais bien, même si c'est un délinquant : derrière, il y a une mère qui pleure.

Diriez-vous que Stéphane Ravier est raciste ?
Non. En tant qu'individu, il pense ce qu'il pense, ça le regarde. Je ne vais pas faire comme lui : je respecte toutes les opinions à condition qu'elles restent dans les limites. Je trouve qu'il exagère dans ses propos. Il se radicalise, c'est bien dommage. Il m'a donné une autre image quand j'ai rejoint le Rassemblement Bleu Marine : c'est regrettable que la ligne prenne ce tournant.

En juin 2013, vous déclariez : "Bientôt, on enlèvera les sapins des écoles à Noël parce qu'il y a des élèves islamistes ou israélites", vous affirmiez redouter par-dessus tout "l'islamisation de la France"... Vous saviez où vous mettiez les pieds !
Je n'ai jamais parlé des israélites.

C'était dans un article de Libération que vous n'avez pas contesté à l'époque...
Je n'ai pas regardé, il y en a eu tellement. Je n'ai pas... Ou alors je me suis mal exprimée, ou ça a été mal retranscris. Ce dont j'ai voulu parler, c'est de l'islam radical. Tout ce qui est radical n'est pas bon ; tout ce qui touche aux traditions de notre pays n'est pas bon non plus. Maintenant, nous pouvons vivre tous ensemble en respectant les traditions et coutumes des uns et des autres, à condition que les uns ne prennent pas le pas sur les autres. Voilà ce que je dis aujourd'hui clairement.

Marine Le Pen ne veut plus que l'on parle de parti d'extrême droite. Qu'en pensez-vous, après plusieurs mois en immersion ?
Je pense qu'il y avait une volonté, par cette création du Rassemblement Bleu Marine, d'un peu dépoussiérer tout ça, d'enlever toutes les idées qui ne sont plus compatibles avec notre société.

C'est la même chose : on a changé l'emballage. Marine Le Pen est à la tête du Rassemblement Bleu Marine et du Front national. Ce ne sont pas deux personnes différentes...
J'ai pensé sincèrement qu'il y avait un courant mené par Me Collard, un courant beaucoup plus modéré, qui reprenait les idées qui étaient bonnes et essayait d'enlever tout ce qui concernait la période de Mr Le Pen. A l'arrivée, à Marseille, je vois que ça n'a pas été possible. J'ai été nommée en juin représentante du Rassemblement Bleu Marine par Me Collard ; je n'ai jamais eu les moyens qu'il fallait pour développer cette frange. Il y a même eu de fortes oppositions à cela.

Vous êtes passée chez Mélenchon, vous avez été candidate FDG aux dernières législatives. Quand vous avez quitté le FDG, il a dit que le FN fonctionnait comme un "vide ordure". Trouvez-vous, avec le recul, des points communs entre extrême gauche et extrême droite ?
Tout à fait ! Ce n'est peut-être pas un hasard si je suis passée de l'un à l'autre. Quand j'entends les propos de Stéphane Ravier - que je respecte en tant que personne mais que je conteste en tant que politique - j'ai l'impression d'entendre M. Mélenchon. Qui nuit au Parti Communiste ! Pas mal de personnes ont quitté ce parti à cause de M. Mélenchon. Je ne suis pas venue au Rassemblement Bleu Marine pour retrouver un deuxième M. Mélenchon.

Pour vous, la politique c'est fini ou vous allez encore changer de crémerie ?
Il ne s'agit pas de changer de crémerie... La politique, ce ne sera certainement pas fini. Où ? Je ne sais pas, je ne me pose pas la question. D'autant qu'aux municipales, ce n'est pas une question de crémerie mais une question de personnes.