Le magazine gay Têtu placé en liquidation judicaire

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Un communiqué du directeur de publication du magazine est venu confirmer la nouvelle dans l'après-midi. © Capture d'écran
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M.-A.B. avec AFP , modifié à
Faute de repreneur et déficitaire, le seul mensuel gay français, créé il y a 20 ans, a été placé en liquidation judiciaire jeudi par le tribunal de commerce de Paris. 

Têtu, le seul mensuel gay français, a été placé en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Paris, a annoncé jeudi son directeur de la rédaction, Yannick Barbe. "Tout le monde est licencié. Cela fait une dizaine de personnes, dont cinq journalistes", a-t-il précisé. Créé il y a 20 ans, Têtu a toujours été déficitaire et ses ventes ont reculé depuis 2010.

"Cette décision était inévitable compte tenu de l’absence de toute offre de reprise du titre, et de l’aggravation des difficultés financières de son exploitation depuis sa mise en redressement judiciaire", a pour sa part déploré le directeur de la publication du titre dans un communiqué en forme de dernier édito sur son site web. 

"Têtu a donné une visibilité à l'homosexualité". C'est son rédacteur en chef adjoint Sylvain Zimmermann qui avait révélé la situation du magazine mercredi, en faisant au passage son coming-out... hétérosexuel. "Têtu risque de s'éteindre cet été, c'est inacceptable pour ce magazine qui porte les combats des homosexuels depuis 20 ans", a-t-il déploré sur France Inter

"Aucun repreneur ne s'est manifesté jusqu'à maintenant, c'est assez surprenant. Mais ce n'est pas trop tard, il y a toujours un espoir", a-t-il avancé. "On pourrait penser qu'après le vote de la loi sur le mariage pour tous, Têtu n'a plus sa place et que le combat pour l'égalité est terminé. Mais c'est faux, par exemple les couples de lesbiennes n'ont pas accès à la PMA (procréation médicalement assistée)", a poursuivi Sylvain Zimmermann. "Têtu a donné une visibilité à l'homosexualité partout en France, il leur a souvent permis de faire leur coming-out. C'est un magazine d'utilité publique", a-t-il plaidé.

Mieux acceptés par la société qu'il y a 20 ans, les homosexuels s'informent aussi maintenant sur internet ou dans la presse classique qui parle davantage des sujets qui les concernent, et moins dans une presse spécifiquement gay. Outre Têtu, Yagg, site spécialisé dans les questions lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT), est aussi en grandes difficultés financières faute d'abonnés suffisants.

"Je suis hétérosexuel", confie Sylvain Zimmermann. "Il est complètement faux que Têtu soit un magazine fait par des homos pour des homos", a souligné Sylvain Zimmermann. "Je suis hétérosexuel. Quand je suis entré à Têtu il y a onze ans, je n'avais jamais eu conscience de l'homophobie. Je me la suis pris en pleine face quand j'ai commencé à travailler au magazine car les personnes que je rencontrais pensaient évidemment que j'étais gay. Cela m'a profondément choqué et j'ai eu encore plus envie de travailler à Têtu. Quand la loi pour le mariage pour tous est passée, j'en ai pleuré", a-t-il raconté.

Pierre Berger, propriétaire et mécène initial. Têtu, vendu 5 euros, a vu sa diffusion reculer de 12,5% depuis 2010, à 28.275 exemplaires par mois. Le magazine, qui emploie 9 salariés, avait été placé le 1er juin en redressement judiciaire. Son numéro de juillet-août risque d'être le dernier.

Le magazine a été financé pendant 18 ans par son propriétaire et mécène, Pierre Berger, qui a épongé des pertes de plusieurs dizaines de millions d'euros, avant de le revendre pour un euro symbolique à Jean-Jacques Augier, un proche de François Hollande. Il a encore perdu 2 millions d'euros en 2013 et 1,1 million en 2014, pour un chiffre d'affaires de 2,8 millions. Pour 2015, la perte est d'environ 500.000 euros.