Le blog de Mediapart infiltré : une fraude à l'information d'une ampleur rarement égalée

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Laura Laplaud
Une enquête du site d'information Mediapart révèle l’une des plus grandes entreprises de manipulation de l’information ces dernières années. Derrière des faux articles se cache une société française, Avisa Partners, dirigée par Arnaud Dassier, un proche de Nicolas Sarkozy et d'Éric Zemmour. Co-auteur de l’enquête, le journaliste de Mediapart Antton Rouget était l'invité de "Culture médias".

Quand Mediapart enquête sur des publications douteuses de Mediapart. Il s'agit d'une fraude à l'information d'une ampleur rarement égalée. Le site d'information révèle cette semaine les agissements de l'entreprise française Avisa Partners, spécialisée dans la cybersécurité mais également dans l'influence dans les médias et sur le numérique. Selon ces nouvelles révélations, la société embauchait des rédacteurs pour produire des faux billets publiés sur des sites participatifs, comme celui de Mediapart, sous de fausses identités. Le journaliste du site d'investigation, Antton Rouget, co-auteur de l’enquête, était l'invité mercredi de Culture médias.

Une des plus grandes entreprises de manipulation de l'information

L'histoire a été révélée par l'un des auteurs de l'ombre, appelé Julien*, journaliste indépendant pigiste, qui a décidé de rendre public ces activités dans le journal Fakir. "Il y a six ans, il a commencé à travailler pour l'agence Avisa Partners dont il ignorait tout, à la fois l'organisation, les clients, les pratiques et il a commencé à vendre des piges comme le font beaucoup de journalistes indépendants", raconte Antton Rouget.

Le but de ces publications : produire des articles qui allaient dans le sens de leurs clients, parmi lesquels des entreprises du CAC 40 et certaines dictatures. "Il a rédigé des centaines d'articles pendant des années et il s'est rendu compte que les articles qu'on lui commandait étaient sur des sujets très précis", souligne-t-il. "On se rend compte qu'il y a toujours une volonté, à un moment de glisser un nom, de valoriser une personne, d'en incriminer une autre pour répondre à la commande du client."

"Il travaillait de façon anonyme avec ses supérieurs hiérarchiques, quand il a cherché un petit peu à savoir qui étaient les personnes qui lui passaient commande, ces personnes agissaient, y compris avec lui, sous pseudo", raconte Antton Rouget.

C'est au bout de six ans que Julien a pu découvrir l'identité de certaines personnes au-dessus de lui dans sa hiérarchie mais aussi de certains clients "parce qu'il y avait des numéros, notamment sur ses facturations" et s'apercevoir que les billets rédigés étaient effectivement publiés sur des plateformes de blogs sous de fausses identités.

634 articles retirés

Depuis, la rédaction de Mediapart a enquêté et a découvert qu'elle avait été elle-même victime de ces faux articles sur son site participatif, Le Club de Mediapart. Elle en a décompté environ 634 qui ont depuis été retirés. Parmi les articles publiés sous de fausses identités : "Comment les marques de luxe profitent de la crise ?", "Emirats, Arabie Saoudite, faux alliés, vrais ennemis", "Le vin, véritable or rouge de la France" ou "L'attitude irresponsable d'Anne Hidalgo".

Mediapart possède ce que l'on pourrait appeler deux pôles : "La partie journal avec notamment l'investigation qui fait la reconnaissance de Mediapart, et une partie participative qui permet aux 200.000 abonnés d'ouvrir un blog, d'interagir, d'écrire des billets", explique Antton Rouget, co-auteur de l'enquête. Des articles qui ne sont pas relus par les journalistes du site d'information avant leur publication mais "la modération se fait a posteriori avec un système interne de signalement", précise-t-il.

* Le prénom a été modifié