Venezuela : nouveau report de la Constituante à vendredi, ouverture d'une enquête pour des soupçons de fraude

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La procureure chaviste Luisa Ortega a ouvert une enquête pour des soupçons de fraude sur l'élection de l'Assemblée constituante de dimanche © JUAN BARRETO / AFP
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avec AFP , modifié à
Alors que les condamnations internationales se multiplient, la séance inaugurale de l'Assemblée nouvellement élue est repoussée à vendredi tandis qu'une enquête pour des soupçons de fraude a été ouverte.

La légitimité de la toute puissante Assemblée constituante vénézuélienne, dont l'installation a une nouvelle fois été reportée, a été mise en cause par l'entreprise chargée des opérations de vote qui dénonce une "manipulation". Par ailleurs, la procureure générale du Venezuela Luisa Ortega a annoncé mercredi soir qu'elle avait ouvert une enquête sur les suspicions de fraude.

Une élection qui fait polémique. Ce scrutin, qui s'est déroulé dimanche dans un contexte de grande violence, faisant dix morts, ne cesse de susciter un tollé au niveau international. Plus de 120 personnes au total ont été tuées en quatre mois de manifestations contre le président socialiste Nicolas Maduro.

Une participation manipulée, selon l'opposition. "Nous savons, sans le moindre doute, que (les chiffres de) la participation à l'élection d'une Assemblée constituante nationale ont été manipulés", a déclaré Antonio Mugicala, le PDG de l'entreprise britannique SmartMatic, en charge des opérations de vote au Venezuela "depuis 2004". "La différence entre la participation réelle et celle annoncée par les autorités est d'au moins un million de votes", a-t-il estimé. L'opposition a boycotté le scrutin en dénonçant une "fraude" visant à prolonger le pouvoir de Nicolas Maduro, dont le mandat s'achève en 2019.

Ouverture d'une enquête pour fraude. "Je vous informe que j'ai désigné deux magistrats pour enquêter sur les quatre directeurs du CNE [Conseil national électoral, ndlr] pour cet acte très scandaleux", a déclaré la procureure Luisa Ortega à la chaîne d'information américaine CNN.
"Nous sommes face à un fait inédit, grave et qui constitue un délit", a affirmé Luisa Ortega, qui avait dénoncé lundi la Constituante et "une ambition dictatoriale" du président Maduro. Cette chaviste de longue date a rompu avec le gouvernement pour en devenir un des principaux adversaires.

Séance inaugurale repoussée à vendredi. Mercredi soir, le président Maduro a annoncé un nouveau report de la séance inaugurale de l'Assemblée constituante, attendue mercredi puis jeudi. Elle sera "organisée dans la paix, dans la tranquillité et avec tout le protocole nécessaire vendredi prochain à 11 heures du matin" (13 heures à Paris), a déclaré Nicolas Maduro lors d'une réunion avec des membres de cette assemblée élue dimanche. L'opposition entend continuer à siéger malgré tout au Parlement. Elle se préparait, par ailleurs, à manifester jeudi contre l'installation de l'Assemblée constituante composée de 545 membres.

Des condamnations internationales. La Constituante doit lancer ses travaux dans un contexte de tensions avec les États-Unis, renforcé par les nombreuses condamnations internationales après l'arrestation dans la nuit de lundi à mardi de deux des figures de l'opposition, Leopoldo Lopez, 46 ans, et le maire de Caracas Antonio Ledezma, 62 ans. Le président américain Donald Trump a tenu "personnellement responsable" son homologue vénézuélien du traitement des deux opposants, condamnant "les actions de la dictature Maduro".

L'UE a annoncé mercredi qu'elle refusait de reconnaître l'Assemblée constituante. "L'élection de l'Assemblée constituante a durablement aggravé la crise au Venezuela", a déclaré Federica Mogherini, cheffe de la diplomatie européenne. 

Une assemblée censée apporter la paix. La Constituante se situe au-dessus de tous les pouvoirs, y compris du chef de l'État, et doit rédiger une nouvelle Constitution. Elle doit apporter la "paix" et permettre au pays de se redresser économiquement, selon le chef de l'État. Dimanche, opposants et forces de l'ordre s'étaient affrontés à Caracas et dans d'autres villes lors de batailles rangées. Selon l'ONG Foro Penal, le Venezuela compte quelque 490 "prisonniers politiques".