Turquie : ouverture des bureaux de vote, élections à risques pour Erdogan

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L'actuel président turc Recep Tayyip Erdogan n'est pas assuré d'être élu dès le premier tour © ARIS MESSINIS / AFP
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avec AFP , modifié à
Plus de 56 millions de Turcs sont appelés aux urnes dimanches pour un scrutin présidentiel et législatif dans lequel Recep Tayyip Erdogan n'est pas assuré de l'emporter.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan affronte dimanche les élections les plus difficiles de son règne face à des vents économiques contraires et une opposition déterminée à stopper sa course vers davantage de pouvoirs.

Début du double scrutin. Plus de 56 millions d'électeurs turcs ont commencé à voter dimanche pour ce double scrutin présidentiel et législatif particulièrement important, car il marquera le passage du système parlementaire en vigueur à un régime hyper-présidentiel voulu par Recep Tayyip Erdogan, mais décrié par ses opposants. Les bureaux de vote fermeront à 16 heures (à Paris). 

Élections à hauts risques pour Erdogan

Le "Reïs" critiqué pour ses dérives autocratiques. Depuis l'avènement en 2002 de son parti, l'AKP, Recep Tayyip Erdogan s'est imposé comme le plus puissant dirigeant turc après le fondateur de la République Mustafa Kemal, transformant le pays à coups de méga-projets d'infrastructures et de réformes sociétales libérant l'expression religieuse.

Recep Tayyip Erdogan, infog crédit : SABRINA BLANCHARD, PAUL DEFOSSEUX / AFP

Mais ses détracteurs accusent le "Reïs" âgé de 64 ans de dérive autocratique, en particulier depuis la tentative de putsch de juillet 2016 qui a été suivie d'une répression sans merci contre des opposants et des journalistes, qui a tendu les rapports entre Ankara et l'Occident.

Une opposition unie. S'il pensait mettre toutes les chances de son côté en convoquant ces élections pendant l'état d'urgence et plus d'un an avant la date prévue, Recep Tayyip Erdogan a été rattrapé par la dégradation de la situation économique et s'est heurté à un sursaut inattendu de l'opposition.

Voyant dans ces élections la dernière chance d'arrêter sa quête d'un pouvoir incontestable, des partis aussi différents que le CHP (social-démocrate), l'Iyi (nationaliste) et le Saadet (islamiste) ont noué une alliance "anti-Erdogan" inédite pour le volet législatif des élections, avec l'appui du HDP (prokurde).

Un adversaire fort. Le candidat du CHP à la présidentielle, Muharrem Ince, un député pugnace, s'est imposé comme le principal rival d'Erdogan pour la présidentielle, électrisant plusieurs centaines de milliers de partisans lors de gigantesques rassemblements aux allures de démonstrations de force.

Si Recep Tayyip Erdogan reste tout de même le favori de la présidentielle, il n'est pas assuré de récolter dimanche les plus de 50% des voix nécessaires pour éviter un second tour qui se déroulerait le 8 juillet. Surtout, les observateurs n'excluent pas que l'alliance de l'opposition puisse priver l'AKP de sa majorité parlementaire, ce qui plongerait la Turquie dans l'inconnu au moment où elle affronte une situation économique délicate.

Des enjeux importants

Une économie qui s'est effondrée. L'économie, qui a longtemps été l'atout de l'AKP, s'est imposée comme un sujet de préoccupation majeur avec l'effondrement de la livre turque et une inflation à deux chiffres qui ont atteint les Turcs au portefeuille. Pendant la campagne, Recep Tayyip Erdogan a plusieurs fois semblé sur la défensive, promettant par exemple de lever rapidement l'état d'urgence ou encore d'accélérer le retour dans leur pays des réfugiés syriens, mais uniquement après que Muharrem Ince eut promis la même chose.

Un régime présidentiel controversé. Les opposants de Recep Tayyip Erdogan ont également fait campagne contre le régime présidentiel qui deviendra effectif après ces élections, aux termes d'un référendum constitutionnel controversé remporté par le président en avril 2017.

Pour le chef de l'État, cette transformation est nécessaire afin de doter le pays d'un exécutif fort et stable, mais ses opposants l'accusent de vouloir monopoliser le pouvoir avec cette mesure qui supprime notamment la fonction de Premier ministre et permet au président de gouverner par décrets.

L'électorat kurde déterminant. Mais leurs arguments ont-ils été entendus à travers la Turquie ? La campagne a en effet été marquée par une couverture médiatique très inéquitable en faveur du président turc. Le candidat du parti prokurde HDP, Selahattin Demirtas, qui rivalisait autrefois sur les estrades avec Recep Tayyip Erdogan, a dû faire campagne depuis une cellule de prison : accusé d'activités "terroristes", il est détention préventive depuis 2016. 

L'un des facteurs déterminants de ce double scrutin sera d'ailleurs le vote de l'électorat kurde. Si le HDP franchit le seuil de 10% des voix permettant d'entrer à l'Assemblée, l'AKP pourrait perdre sa majorité parlementaire. Craignant des fraudes qui pourraient faire pencher la balance, en particulier dans le sud-est à majorité kurde, l'opposition a mobilisé une armée d'observateurs pour surveiller les urnes.