Turquie : Erdogan enterre l'espoir d'une paix avec le PKK

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Une militante pro-kurde brandit le portrait du leader du PKK lors d'une manifestation en juin 2015 (illustration) © AFP/OZAN KOSE
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En quelques jours seulement, le conflit kurde est passé de l'apaisement à la guerre ouverte en Turquie. Europe 1 vous explique pourquoi.

La Turquie lâche des bombes sur son propre sol. Mardi, l'armée de l'air turque a visé des positions du PKK sur le territoire national, après que des rebelles kurdes ont ouvert le feu sur les forces de sécurité, a indiqué l'état major. Depuis plusieurs jours, Ankara multiplie les déclarations et démonstrations de force envers "les terroristes", contre qui il est "hors de question de reculer". La trêve qui était de mise entre la rébellion kurde et le pouvoir semble bel et bien enterrée.

Etat islamique et PKK. Deux attentats puis des représailles ont ravivé le conflit alors que, depuis plusieurs mois, les signaux étaient au vert entre Ankara et le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui revendique l'indépendance du territoire à cheval entre la Turquie, l'Irak, la Syrie et l'Iran. Deux jours à peine avant les élections législatives du mois de juin en Turquie, un meeting du parti pro-kurde a été la cible d'un attentat. Bilan : deux morts. Près d'un mois plus tard, un kamikaze a tué plus de 30 personnes dans une explosion à Suruç, dans le sud-est de la Turquie. Là encore, un meeting pro-kurde était visé. Dans les deux cas, des membres de l'organisation Etat islamique sont les principaux suspects. Alors pourquoi le régime turc vise-t-il le mouvement kurde, victime des explosions ?

C'est que, deux jours à peine après l'attentat de Suruç, la branche armée du PKK s'est lancé dans des représailles. Les rebelles kurdes ont revendiqué l'assassinat de deux policiers turcs, retrouvés morts d'une balle dans la tête dans une maison de la région frontalière avec la Syrie. Le mouvement terroriste a présenté ce double assassinat comme une "action punitive […] contre deux policiers qui coopéraient avec le gang de Daesh", l'autre nom utilisé pour désigner l'organisation Etat islamique. La réponse d'Ankara a été immédiate et violente.

Un avion militaire turc

La réaction turque est immédiate. Moins de 48 heures plus tard, l'armée et les forces de police turques ont alors multiplié les attaques contre les positions du PKK, mais aussi celles de l'Etat islamique, responsables des derniers attentats. En parallèle de bombardements en Syrie et en Irak, Ankara a lancé une vaste vague d'arrestations dans les deux mouvements au cours du week-end. Pas moins de 900 personnes soupçonnées d'appartenir à l'une des deux organisations ont été arrêtées sur le territoire turc. Plusieurs membres des forces de l'ordre d'Ankara ont trouvé la mort dans ces offensives ou dans leurs représailles.

Adieu le cessez-le-feu. En quelques jours, trois ans de négociations de paix sont partis en fumée. Ces derniers mois, les deux belligérants avaient pourtant fait preuve d'une rare bonne volonté pour résoudre un conflit qui a fait plus de 40.000 morts en 30 ans dans le pays.

Peu avant les élections législatives, le leader kurde Abdullah Öçalan, emprisonné dans les geôles turques, s'était également engagé dans la voie de l'apaisement et d'une reprise des négociations de paix. "Nous marchons vers un avenir où les critères démocratiques universels et la paix s'imposent", déclarait-il en février 2015. A l'occasion du nouvel an kurde au mois de mars, il avait appelé à organiser un congrès, jurant de mettre fin à la lutte armée du PKK. Des promesses aujourd'hui évanouies. "Les conditions du maintien du cessez-le-feu ont été rompues", a estimé la branche armée du PKK. Aujourd'hui, il est "impossible" de poursuivre le processus de paix avec le PKK, a jugé de son côté Recep Tayyip Erdogan mardi. L'homme de fer de la Turquie va désormais devoir gérer ses deux ennemis : l'Etat islamique et le PKK.