L'espoir de trouver encore des survivants s'amenuisait vendredi en Turquie et en Syrie, quelque 100 heures après le violent séisme qui a tué plus de 21.700 personnes. 1:32
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Rémi Trieau (à Antioche) avec AFP , modifié à
L'espoir de trouver encore des survivants s'amenuisait vendredi en Turquie et en Syrie, quelque 100 heures après le violent séisme qui a tué plus de 21.700 personnes dans l'une des pires catastrophes survenues dans la région depuis un siècle. L'OMS est désormais vigilante au risque d'épidémie de choléra.

Cinq jours après le séisme, un premier convoi d'aide composé de six camions a pu entrer jeudi dans les zones rebelles du nord-ouest de la Syrie depuis la Turquie par le poste-frontière de Bab al-Hawa. Le convoi, composé de six camions transportant couvertures, matelas, tentes, matériel de secours et lampes solaires devrait couvrir les besoins d'au moins 5.000 personnes, selon l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM).

Un acheminement perturbé

L'organisation des Casques Blancs, des secouristes qui opèrent en zones rebelles syriennes, a cependant fait part de sa "déception", estimant que cette aide était "routinière" et non spécifique à la recherche de survivants sous les décombres. La quasi-totalité de l'aide humanitaire destinée aux zones rebelles est acheminée à partir de la Turquie par le point de passage de Bab al-Hawa, le seul actuellement garanti par l'ONU. La diplomatie turque a indiqué s'employer à ouvrir deux autres points de passage "avec les régions sous contrôle du gouvernement" de Damas "pour des raisons humanitaires".

L'ONU avait indiqué mardi que l'acheminement par ce poste-frontière était perturbé en raison des routes endommagées, même si la plateforme de transbordement des marchandises et le point de passage lui-même étaient intacts.

De son côté, le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a annoncé jeudi être "en route pour la Syrie", tandis que la présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Mirjana Spoljaric a fait part jeudi soir, sur Twitter, de son arrivée à Alep, en Syrie, soulignant que "les communautés qui luttent après des années de combats acharnés sont maintenant paralysées par le tremblement de terre".

"Livrés à nous-mêmes"

De part et d'autre de la frontière, des milliers d'habitations sont détruites. Les secouristes redoublent d'efforts pour rechercher des rescapés, même si la fenêtre cruciale des 72 premières heures pour retrouver des survivants s'est refermée, la situation étant en outre aggravée par un froid glacial. Après plusieurs jours d'attente impuissante, les 130 sauveteurs dépêchés par le Qatar ont pu secourir jeudi à Nurdagi, ville rurale de 40.000 habitants située près de l'épicentre du séisme, un garçon de 12 ans, vivant.

Des centaines de secouristes venus de Malaisie, d'Espagne, du Kazakhstan, d'Inde et d'ailleurs y sont également à pied d'œuvre. Les habitants, forcés de vivre sous des tentes ou dans leurs voitures assistent en larmes aux va-et-vient des secouristes qui essaient de localiser d'éventuels rescapés au moyen de drones et de caméras de détection thermique.

A Antakya, une ville plus au sud anéantie par le séisme, une trentaine de mineurs ont parcouru un millier de kilomètres pour venir prêter main forte. Munis de pioches, pelles, masses, scies à métaux et barres à mine, ils tentent de venir en aide aux personnes coincées sous une masse de béton et de ferrailles.

La lenteur des secours pose question

Une pelleteuse aide à déblayer, quand un chef d'équipe de cette mine de Zonguldak, près de la mer Noire, lui fait signe d'arrêter. Il fracasse à la masse un bloc de béton dont ses compagnons évacuent les éclats. Le chef d'équipe demande une couverture. Un enfant vient d'être découvert mort dans son lit. Son père repart avec le corps enveloppé dans ses bras, sans un mot.

Nesibe Kulubecioglu, qui a pu s'extraire vivante de son lit avec sa fille, a perdu six proches dans le séisme, et n'a plus l'espoir de les retrouver vivants. Si elle est pleine de reconnaissance envers les mineurs, elle en veut au gouvernement et dénonce la lenteur des secours tout comme Hakan Tanriverdi, un habitant d'Adiyaman, une ville du sud de la Turquie. "Nous sommes profondément blessés que personne ne nous ait soutenus", peste M. Tanriverdi,

"Je n'ai vu personne avant 14H00 le deuxième jour du séisme", soit 34 heures après la première secousse, tonne Mehmet Yildirim. "Pas d'Etat, pas de police, pas de soldats. Honte à vous! Vous nous avez laissés livrés à nous-mêmes".

Risque de choléra

Selon les derniers bilans officiels, le séisme, d'une magnitude de 7,8, suivi de plus d'une centaine de secousses, a fait au moins 21.719 morts, dont 18.342 en Turquie et 3.377 en Syrie. L'OMS estime que 23 millions de personnes sont "potentiellement exposées, dont environ cinq millions de personnes vulnérables" et redoute une crise sanitaire majeure qui causerait encore plus de dommages que le séisme.

Les organisations humanitaires s'inquiètent particulièrement de la propagation de l'épidémie de choléra, qui a fait sa réapparition en Syrie. L'UE a envoyé de premiers secours en Turquie quelques heures après le séisme lundi. Mais elle n'a initialement offert qu'une aide minimale à la Syrie par le biais des programmes humanitaires existants, en raison des sanctions internationales en vigueur depuis le début de la guerre civile en 2011.

Mercredi, Damas a officiellement sollicité l'assistance de l'UE et la Commission a demandé aux Etats membres de répondre favorablement à cette requête. Le commissaire européen Janez Lenarcic, coordinateur de l'assistance de l'UE, était jeudi à Gaziantep, dans le sud-est de la Turquie, pour rencontrer des responsables turcs mais aussi les organisations humanitaires actives dans le nord-ouest de la Syrie, a indiqué la commission.