Égypte couple 3:35
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Ariane Lavrilleux, édité par Pauline Rouquette , modifié à
À l'occasion de la Saint-Valentin, les Carnets du monde se sont rendus en Égypte à la rencontre de couples pour qui l'amour se vit avec son lot de contraintes. Europe 1 est parti à la rencontre de Nadine et Essam, dont la liberté demeure limitée faute d'être mariés, mais aussi de Ramy, homosexuel, qui ne peut imaginer parler de ses amours à sa famille.
REPORTAGE

La Saint-Valentin a beau être une fête commerciale, elle est aussi l’occasion pour Europe 1 de se pencher sur l’amour et de rencontrer des amoureux qui, parfois, peuvent avoir à contourner certaines difficultés pour pouvoir vivre leur histoire. Dans les Carnets du monde, dimanche, Europe 1 fait voyager ses auditeurs en Égypte, où les jeunes, pour s’aimer, doivent souvent échapper au regard d’une société encore très conservatrice.

"Si on veut voyager, il faudra que ton frère vienne avec nous"

"On se connaît depuis quatre ans, et le premier pas, c’était elle". Essam a rencontré Nadine à un atelier théâtre organisé sur leur campus privé de l’université américaine du Caire. "Il ne bougeait pas d’un poil, donc je me suis dit : 'je sais qu’il m’apprécie, je vais proposer une sortie, il dira oui'", abonde-t-elle en souriant. En Égypte, que ce soit dans la rue ou au café, s’embrasser en public est très mal vu. Mais main dans la main, Nadine et Essam se sentent libres. Bien plus que la génération de leurs parents, plutôt fortunée, et qui essaie malgré tout de garder le contrôle.

"Ma tante a été mariée quand elle n’avait que vingt ans, alors qu’elle n’était pas prête", raconte Nadine, évoquant les demandes pressantes de son entourage concernant les intentions d’Essam de la demander en mariage. "Pour moi, c’est plus facile de leur dire : 'non, on va à notre rythme, ne nous pressez pas', et ils sont plus compréhensifs".

De son côté, Essam note de vrais progrès par rapport aux générations précédentes, bien que la société demeure très conservatrice. "Nous on peut faire ce qu’on veut, aller voir des films, sortir ensemble, personne ne nous empêche, mais il y a des limites : si on veut voyager ensemble, il faudra que ton frère vienne avec nous", dit-il à Nadine. "Parce que les valeurs familiales de ce pays sont encore basées sur les valeurs religieuses".

"Je m’assure que le gars à qui je parle n’est pas de la police"

Pour Ramy, 28 ans, la situation est encore plus compliquée, et dévoiler sa vie sentimentale à sa famille relève de l’impensable. "Ils ne peuvent pas s’imaginer que leur fils est homosexuel", dit-il au micro d’Europe 1. "Je ne veux surtout pas qu’ils le sachent parce que je sais qu’ils ne l’accepteraient pas". Alors, ses amours, il les vit de son côté, et ça lui suffit.

En couple depuis un an, ce graphiste a rencontré son ami grâce à une application, mais il a fallu redoubler de vigilance. En effet, si l’homosexualité n’est pas interdite en Égypte, le régime militaire conservateur cible et arrête régulièrement les gays. "Je m’assure que le gars à qui je parle est honnête et n’est pas de la police", explique Ramy qui, pour cela, prend des précautions en posant de nombreuses questions et en demandant à ses interlocuteurs leurs profils sur les différents réseaux sociaux.

Pourtant, paradoxalement, dit-il, la vie de couple est moins compliquée à gérer pour deux hommes que pour un homme et une femme. "J’ai réservé une location en bord de mer, on est resté cinq nuits. Ca, c’est interdit pour un homme et une femme ensemble, alors que deux gars peuvent réserver une chambre à deux". D’ailleurs, aujourd’hui, Ramy vit avec son amoureux et ils n’ont jamais eu d’ennuis. En Égypte, la Saint-Valentin est l’un des événements les plus célébrés, à tel point que même l’autorité publique en charge de la religion s’est donnée la peine de déclarer cette fête autorisée par l’islam.