REPORTAGE - A Idleb, "il est temps que l'armée syrienne termine le travail"

La zone démilitarisée a été instaurée en septembre dernier.
La zone démilitarisée a été instaurée en septembre dernier. © Jean-Sébastien Soldaïni / Europe 1
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Jean-Sébastien Soldaïni, en Syrie, édité par Thibaud Le Meneec
Notre reporter s'est rendu dans la zone démilitarisée qui entoure Idleb, en Syrie, où la population oscille entre critique de l'intervention extérieure et envie de voir le régime reprendre cette poche rebelle. 
REPORTAGE

Un promontoire, près d’une ancienne citadelle de pierre. Là, une dizaine d'hommes sont positionnés et deux canons pointent vers le nord. Cette petite équipe est l'un des poste avancés de la "Défense syrienne", dans la zone démilitarisée qui entoure la ville d’Idleb, une zone tampon instaurée in extremis en septembre pour éviter à cette dernière poche de résistance de subir les foudres de Bachar al-Assad. 

Une zone de quinze kilomètres "sur le papier". Trois jours après une attaque chimique imputée aux rebelles, des militaires russes supervisent cette unité depuis un bâtiment voisin. Leur rôle est de s’assurer que ces soldats syriens respectent bien le cessez-le-feu. De ce poste, le chef Simon El Wakil surplombe une bonne partie de cette zone démilitarisée. "Nous sommes exactement sur la ligne de séparation", explique-t-il.

Soldaini

"De l’autre côté, c’est la province d’Idleb. Juste en face de nous, à 3 kilomètres, il y a une base des terroristes. Et le mur de terre que vous voyez juste à côté des arbres, c’est aussi une de leur position. Elle est à 4 km. En théorie, cette zone démilitarisée s’étend sur quinze kilomètres devant nous mais ça, c’est sur le papier. Dans la réalité, les rebelles essaient sans cesse de briser cet accord."

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À peine l'homme vient-il de décrire une situation complexe qu’une série de bruits sourds retentit au fond de la vallée, vaste étendue traversée par une route rectiligne. De chaque côté, sur les vingt kilomètres qui séparent les villes en première ligne, il y a des champs à perte de vue. Un no man’s land où chaque maison est en ruine. 

Pas l'impression d'être protégés côté syrien. Du côté syrien de la zone démilitarisée, les habitants n’ont pas le sentiment d’être protégés. Ils se sentent à portée permanente des obus tirés par les djihadistes et dressent toujours la liste des attaques, plus ou moins récentes, pour appuyer leur propos. Et puis, comme Milad, qui vit tout près de cette ligne de démarcation, ils reprochent aux forces turques de ne pas remplir leur mission : "On ne peut plus faire confiance à la Turquie, parce que depuis le début de cette guerre, tout ce qu’ils ont fait c’est de nous trahir. Ils encouragent le terrorisme. C’est à cause d’eux que nous sommes visés et que nous vivons dans la peur."

"Il est temps que l’armée syrienne termine le travail". Il y a aussi ceux qui considèrent que l’instauration de cette zone tampon n’est qu’une perte de temps. Tant pis si Idleb et ses 3 millions de civils subissent le même sort que la Ghouta ou Alep, avec les mêmes bombardements massifs. "On en a marre que d’autres pays interviennent sur le sol syrien", se plaint Madeleine. "Là, il y a les Turcs et les Russes, en plus des rebelles. Maintenant, il est temps que l’armée syrienne continue sa progression et termine le travail qu’elle a commencé en allant reprendre Idleb."

Pour appuyer leur raisonnement, ils invoquent la récente attaque au chlore sur Alep, avec la crainte d’un bombardement chimique de plus grande ampleur qui les pousse à remettre en cause, purement et simplement, l’accord de cessez-le-feu.